Fiche pratique.
Lorsqu’une situation dangereuse pour la vie ou la santé des salariés apparaît soudainement, des décisions rapides s’imposent.
Les salariés concernés n’ont pas toujours la possibilité de demander conseil et doivent réagir dans l’immédiat. C’est pour cette raison qu’ils disposent d’un droit d’alerte et de retrait.
REPÈRES MÉTHODOLOGIQUES
Droit d’alerte :
Le Code du travail n’indique pas clairement que le salarié a le devoir ou l’obligation d’informer la direction lorsqu’il constate un danger grave et imminent.
Toutefois, l’obligation d’alerter avant d’utiliser son droit de retrait a été reconnue dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 21 janvier 2009. Celui-ci précisait que, même verbalement, le salarié devait signaler immédiatement à l’employeur ou à son représentant toute situation de travail dont il avait « un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé ». La consignation écrite est utile. Elle est toutefois uniquement imposée à titre de preuve.
Droit de retrait :
Pour pouvoir exercer ce droit, le danger doit être une menace pour la vie ou la santé du salarié, c’est-à-dire une situation en mesure de provoquer un dommage à l’intégrité physique du travailleur. Ce danger doit être grave. Une circulaire administrative DRT n° 93/15 du 25 mars 1993 le définit comme « susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ».
En théorie, la notion de danger grave et imminent peut s’appliquer aux risques d’accidents comme à ceux de maladies. Dans les faits, ces derniers sont moins souvent concernés étant davantage liés à une série d’événements échelonnés dans le temps. Cependant, la vitesse de réalisation du dommage importe peu. C’est bien le danger qui doit être imminent et non pas les conséquences de ce danger. La notion de danger est par ailleurs difficilement applicable aux risques psychosociaux pour lesquels il est rarement imminent ou plus difficile à déterminer.
En revanche, s’il est obligatoire pour le salarié de signaler le danger, rien ne l’oblige à exercer son droit de retrait. Un travailleur ne pourra donc pas être licencié pour non-utilisation du droit de retrait.
Si ce n’est pas une obligation au sens du droit du travail, attention toutefois aux éventuelles conséquences pénales, envisageables en cas d’accident se traduisant par des dommages corporels.
Aucune sanction ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ayant utilisé son droit de retrait selon un motif raisonnable. Mais la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 novembre 2008, précise que « lorsque les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire ». L’appréciation du motif raisonnable est néanmoins subjective. En cas de litige, il faudra déterminer si le salarié pouvait légitimement estimer qu’il y avait un danger grave.
NOS CONSEILS
Le travailleur est dans l’obligation de donner l’alerte, sa responsabilité pénale peut être engagée en cas d’absence d’utilisation de ce droit, et il peut être exposé à une retenue sur salaire s’il a mal interprété le danger. La mise en œuvre du droit de retrait n’est donc pas sans risque pour le salarié !
Sauf cas d’urgence extrême, il est préférable pour le salarié de se renseigner auprès d’une personne plus qualifiée afin d’avoir la certitude de ne pas commettre d’erreur. Il doit alors se rapprocher des représentants du personnel concernés, tels que délégués du personnel, employeur, référent sécurité, médecin du travail, inspecteur du travail, etc. Mais, si un danger survient de façon imprévue et aiguë, le salarié peut et doit penser à protéger d’abord sa santé et celle des autres.
OUTILS ET DOCUMENTS
www.inrs.fr/demarche/salaries/ce-qu-il-faut-retenir
www.ceservices.fr/le-droit-de-retrait-du-salarie
RÉGLEMENTATION
La loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982, intégrée au Code du travail (articles L. 4131-1 à L. 4131-4) reconnaît à tout salarié un droit d’alerte et de retrait.
L’article L. 4131-1 dispose que « le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation ». Les deux premiers alinéas de cet article indiquent les conditions d’application des droits d’alerte et de retrait. Ces droits sont aussi reconnus au représentant du personnel au CSE (article L. 4131-2 du Code du travail).
Cet article précise aussi que « l’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection ».
Le droit de retrait doit cependant être exercé de telle manière qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent ainsi que le dispose l’article L. 4132-1 du Code du travail. Il ne faut donc pas qu’un autre salarié se retrouve dans une situation dangereuse parce que le premier salarié a usé de son droit de retrait.
À noter également que, selon l’article L. 4131-3, « aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux ».
Enfin, selon l’article L. 4131-4, « le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité social et économique avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé ». Cela aura pour conséquence l’obligation pour l’employeur d’indemniser les salariés victimes.
EN PRATIQUE
La jurisprudence traite régulièrement de ce sujet. En voici quelques exemples :
– Dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 23 juin 2004, le retrait du salarié est validé par les juges pour un peintre en bâtiment qui avait refusé de travailler sur un échafaudage défectueux.
– À l’inverse, le droit de retrait n’avait pas été reconnu comme légitime dans le cas d’une salariée ayant quitté son bureau exposé aux courants d’air (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 octobre 1989).
– Enfin, dans un arrêt du 20 janvier 1993, la chambre sociale de la Cour de cassation a débouté des maçons ayant refusé de travailler en hauteur sur un chantier alors qu’il pleuvait et qu’il y avait du vent.
Retrouvez cet article dans le numéro 428 de la revue d’information et d’analyse de la réglementation routière : «La Prévention Routière dans l’Entreprise »