Dialogue social : santé, sécurité et conditions de travail, en tête des attentes

Seuls 59 % des salariés estiment que l’entreprise “informe suffisamment les salariés des actions menées en matière de santé au travail” ou encore qu’elle “mène suffisamment d’actions en matière de santé au travail”.

Le Baromètre IFOP-Syndex sur l’état du dialogue social en entreprise est toujours scruté avec beaucoup d’attention tant il permet de se faire une idée précise de l’évolution du climat social. En effet, grâce à la consultation de 1878 représentants du personnel, 1303 salariés et 400 dirigeants, cette enquête offre un panorama très complet des attentes des différents acteurs du
dialogue social.

Consensus sur l’amélioration des conditions de travail

Publiée le 23 janvier, la dernière édition confirme, sans surprise, l’absence de consensus sur la qualité du dialogue social. En effet, si les dirigeants lui attribuent, en moyenne, une note de 7,8 (sur une échelle de 1 à 10), les salariés lui accordent une note de 6 tandis que les représentants du personnel ne lui concèdent qu’une note de 5,3.
C’est regrettable car, dans le même temps, dirigeants, salariés et représentants du personnel s’accordent parfaitement sur les sujets à traiter en priorité. Tous placent en tête “les conditions de travail”, “la santé et les risques psychosociaux” ainsi que la sécurité au travail, loin devant “les choix stratégiques de l’entreprise”, “l’égalité femmes-hommes” ou encore “les enjeux environnementaux”.
Dans le détail, les conditions de travail sont jugées “prioritaires” par 93 % des représentants du personnel, 76 % des salariés et 54 % des dirigeants ; la santé et les risques psychosociaux par 92 % des représentants du personnel, 65 % des salariés et 58 % des dirigeants. Et les mêmes plébiscitent également la sécurité au travail, avec respectivement 86 %, 75 % et 70 %. À titre de comparaison, la question pourtant cruciale de “la gestion des compétences et de l’emploi” n’est jugée prioritaire que par 61 % des représentants du personnel, 42 % des salariés et 33 % des dirigeants.

Santé et sécurité, vecteurs de performance sociale

Mais cet accord sur le caractère prioritaire des actions à mener en matière de santé, sécurité et conditions de travail ne signifie hélas pas que les salariés se montrent pleinement satisfaits à ce sujet. En effet, seuls 70 % d’entre eux estiment que “leur entreprise met en place des mesures pour les protéger des accidents du travail”. De même ils sont seulement 59 % à estimer qu’elle “informe suffisamment les salariés des actions menées en matière de santé au travail” ou encore qu’elle “mène suffisamment d’actions en matière de santé au travail”.
Des marges de progrès existent donc encore pour répondre à ces attentes. Les dirigeants devraient s’attacher à y répondre car nul doute que cela aurait un effet très bénéfique sur le climat social mais aussi sur l’attractivité de leurs entreprises. En effet, parmi les facteurs pouvant les inciter à “rester le plus longtemps possible dans leur entreprise”, les salariés placent en seconde position la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), juste derrière la rémunération.

Malaises au travail – Mieux les comprendre et les prévenir

De nombreux décès pourraient être évités si les travailleurs victimes de malaises étaient secourus plus rapidement.

Le dernier rapport annuel de l’Assurance maladie – risques professionnels révèle que plus de la moitié (57 %) des 759 accidents mortels recensés en 2023 ont été consécutifs à un malaise. C’est l’occasion de revenir sur les malaises mortels au travail auxquels l’INRS a récemment consacré une étude afin de mieux cerner les moyens à mettre en œuvre pour les éviter.

“En France, plus de la moitié des accidents de travail mortels reconnus dans les entreprises relevant du régime général de la Sécurité sociale sont des malaises sans cause externe identifiée (chute, choc, intoxication ou électrocution…)”, relève l’INRS.
C’est pourquoi les experts de l’institut ont lancé une étude visant à “mieux qualifier ces malaises mortels et identifier leurs causes pour mieux les prévenir.” À cette fin, ils se sont plongés dans la base de données EPICEA, décrivant plus de 26000 accidents du travail, afin de disséquer les quelque 143 malaises mortels survenus entre 2012 et 2022.

Portrait-robot des victimes de malaises mortels

Cette étude a tout d’abord permis de dresser un portrait-robot de la victime d’un malaise mortel en milieu professionnel. Dans près de 94 % des cas, il s’agit d’un homme. “L’âge médian de survenue du décès est de 51 ans. Parmi les tranches d’âge les plus concernées, on retrouve notamment les 40-49 ans et les 50-59 ans”, précisent aussi les auteurs de l’étude. Toutefois, la victime la plus jeune avait 24 ans et la plus âgée 71 ans.
Si ces malaises sont susceptibles de se produire dans tous les secteurs d’activité, trois métiers semblent particulièrement concernés : les conducteurs de poids lourds et de camions, qui totalisent près de 20 % des cas, les professionnels qualifiés du bâtiment (gros œuvre) et les électriciens du bâtiment.

Des circonstances d’une grande banalité

Le second enseignement de l’étude porte sur les circonstances dans lesquelles se sont produits ces drames. Dans l’immense majorité des cas les victimes ne faisaient rien d’exceptionnel. Un nombre significatif de malaises intervient même alors que le travailleur était au repos (mais les experts se demandent si ce repos ne résultait pas des premiers symptômes ressentis, tous les malaises n’étant pas foudroyants).
Reste que “l’activité exercée par le travailleur au moment du malaise est qualifiée d’habituelle dans plus de 82 % des cas.” Autre fait notable : dans 3 cas sur 4, la victime était seule au moment des faits. Cela semble suggérer que l’absence de secours rapide contribue à l’issue fatale des malaises.

Des causes sanitaires et professionnelles

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Télétravail – L’entreprise et la société au défi d’un nouveau mode de vie

« Loin de représenter une martingale managériale et une pratique par nature bénéfique, le télétravail nécessite la mise en place de nouvelles régulations et de nouveaux équilibres »

“La principale difficulté que j’ai rencontrée lors de mes premières recherches […] fut… de trouver des télétravailleurs. On estimait d’ailleurs qu’il y avait plus d’études sur le télétravail que de personnes qui le pratiquaient”, confie Laurent Taskin. C’est en effet à la fin du siècle dernier que ce docteur en sciences économiques et professeur affilié à l’université Paris-Dauphine a commencé à s’intéresser au télétravail auquel il vient de consacrer un ouvrage (1).

Nouvelles aspirations et valeurs

Depuis, tout a évidemment changé ! À la faveur de la crise du Covid et des progrès des technologies numériques, le télétravail est en effet devenu massif. Pour Laurent Taskin, cette mutation n’est pas seulement technique mais signe l’émergence de nouvelles aspirations et valeurs qui transforment au premier chef le monde du travail. À l’instar de nombreux dirigeants d’entreprise, il remarque ainsi que, pour de nombreux salariés, le télétravail est devenu “un droit, une évidence, un mode de vie”. Si bien que le télétravail serait l’emblème d’une société dans laquelle, pour le meilleur comme pour le pire, “les choix individuels sont premiers” et où “l’idéal de liberté” s’exprime.

Des nouveaux équilibres à trouver

Cette mutation n’est évidemment pas neutre pour les entreprises. Laurent Taskin remarque ainsi que, dans ce cadre, la collaboration des membres de l’entreprise ne va plus du tout de soi. Mais ce défi concerne bien sûr aussi les salariés soumis à de nouvelles contraintes à gérer : “invasion de l’espace privé, hyperconnexion, stress lié à cet entremêlement, efforts accrus de visibilisation de son travail”. À l’issue de cette étude, une conviction émerge : loin de représenter une martingale managériale et une pratique par nature bénéfique, le télétravail nécessite la mise en place de nouvelles régulations et de nouveaux équilibres de façon à préserver aussi bien le bon fonctionnement de l’entreprise que la santé des travailleurs.

“Le Télétravail, un mode de vie”, par Laurent Taskin, Les Presses de Sciences Po, 140 p., 9 €.