Absentéisme : pénibilité et conditions de travail

“L’absentéisme demeure tributaire de l’environnement de travail et de la pénibilité ressentie.

“Un environnement professionnel considéré comme pénible impacte également fortement la santé des salariés et, partant, l’absentéisme”, écrivent les experts du Département Opinion et Stratégies d’Entreprises de l’Ifop dans une récente note d’analyse.
De la sorte, ils entendent souligner que, contrairement à une idée reçue, la hausse continue de l’absentéisme depuis plusieurs années n’est pas nécessairement une fatalité puisqu’elle résulte, au moins en partie, de facteurs objectifs sur lesquels il est possible d’agir à condition de bien les identifier.

Explosion des arrêts longs

Entendons-nous bien, les auteurs ne nient nullement l’évolution des mentalités et des comportements professionnels. Fins observateurs de la société, ils savent mieux que quiconque que le rapport au travail s’est profondément transformé ces dernières décennies et tout particulièrement dans le sillage des mesures sanitaires qui, lors de l’épidémie de Covid avaient mis le pays à l’arrêt. Mais ils mettent en garde contre la perception biaisée de l’absentéisme qui peut en résulter.
Ainsi, lorsque l’on parle d’absentéisme dans les médias ou même à la machine à café de l’entreprise, la première image qui vient est celle de l’absence du lundi matin permettant de prolonger le week-end ou les vacances scolaires. Ces abus sont avérés et exaspèrent légitimement la direction et encore davantage les collègues de ces individus à la conscience professionnelle déficiente. Reste que cette pratique douteuse ne concerne en fait qu’une infime minorité de salarié – seulement 2 % d’entre eux selon l’Ifop – et pèse très peu dans l’explosion du coût de l’absentéisme.
En effet, comme le soulignent les auteurs, « l’absentéisme long est celui qui pénalise le plus les organisations financièrement. Il pèse beaucoup plus lourd dans la sinistralité des arrêts de travail que l’absentéisme court ». Or, ce phénomène devient massif : « La tendance la plus inquiétante réside dans l’augmentation des arrêts de longue durée qui sont, de surcroît, de plus en plus longs ». Lire la suite

Difficultés de recrutement – Venir à bout du “repoussoir de la pénibilité”

« Parmi les aspects pouvant altérer la satisfaction au travail, la pénibilité est l’un des principaux éléments à prendre en compte « 

En Europe comme en France, le travail, et la place qu’il occupe dans la société et dans nos vies, continue de faire débat. Après les bouleversements induits par la crise sanitaire, le phénomène de « grande démission » ou, à tout le moins, les difficultés de recrutement éprouvées dans de nombreuses professions et le conflit social autour de la réforme des retraites entretiennent le sentiment partagé qu’il est nécessaire de « repenser le travail ».
C’est justement l’exercice auquel s’est essayée la revue de prospective Futuribles en faisant, dans sa dernière livraison, une synthèse des nombreuses études françaises, européennes et internationales portant, ces derniers mois, sur les transformations du travail et de notre rapport au travail. Dans ce foisonnement de données, quelques lignes de force se dégagent.
La principale est le rôle très important joué, dans la perception du travail, parce que Jennifer Clarté et Marc Malenfer appellent « le repoussoir de la pénibilité ». Lire la suite

Pénibilité au travail – L’économie verte est-elle dans le rouge ?

« La surexposition des salariés de l’économie verte se vérifie pour trois facteurs de risque : les vibrations, le bruit et les agents chimiques CMR »

Depuis une trentaine d’années, diverses politiques publiques ont favorisé une forte croissance des emplois relevant de l’économie verte qui, désormais, représentent déjà quelque 15 % des emplois en France. Dans le discours public, cette dynamique est triplement vertueuse car ces métiers sont non seulement censés protéger l’environnement et permettre une croissance économique durable mais aussi proposer de meilleures conditions de travail aux salariés. Une étude récemment publiée par la Dares (1) tend toutefois à relativiser ce dernier point en démontrant que les salariés de l’économie verte sont, aujourd’hui, davantage exposés à la pénibilité que ceux exerçant dans les autres secteurs de l’économie.

Les emplois de l’économie verte offrent- ils, comme on l’espérait, de meilleures conditions de travail que les autres emplois ? Pour répondre à cette question, trois chercheurs de l’Université Claude Bernard Lyon 1 missionnés par la Dares du Ministère du Travail se sont plongés dans les données recueillies par l’enquête Sumer dressant, depuis 1994, l’état des lieux de l’exposition des salariés aux principaux risques professionnels et facteurs de pénibilité.

Davantage de pénibilité dans l’économie verte

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L’amélioration des conditions de travail représente un puissant levier de performance.

Emmanuel Pochet : “La réduction de la pénibilité permet d’éviter non seulement le déclenchement de maladies professionnelles mais aussi d’obtenir une nouvelle attitude, plus impliquée et positive, sur le travail.”

Emmanuel Pochet est gérant de Point Org Sécurité, société spécialisée dans l’accompagnement des entreprises en matière de prévention des risques et formateur en évaluation des risques professionnels. Fort de son expérience, il estime que la hausse de l’absentéisme ne constitue nullement une fatalité.

Certains commentateurs attribuent la hausse actuelle de l’absentéisme au désengagement des salariés. Partagez-vous cet avis ?

Nos contemporains ont effectivement un rapport au travail différent de celui des générations précédentes. L’IFOP a mesuré qu’en 2022, 84 % des salariés considèrent toujours que leur travail est « important » dans leur vie. En revanche, la part de ceux qui estiment que le travail est « très important » ne cesse de baisser depuis 30 ans. Elle s’établit aujourd’hui à 21 %, contre 24 % en 2021 et 60 % en 1990. Ajoutons que cette relative distanciation à l’égard du travail concerne presque toutes les catégories de travailleurs, aussi bien les hommes que les femmes, les jeunes que les moins jeunes.
Mais, à mon avis, il y a surtout un changement dans les attentes à l’égard du travail. Jusque dans les années 1990, le travail occupait une place prépondérante dans nos existences : on le voyait comme un moyen de gagner sa vie mais aussi comme le principal critère de réussite tout court. Désormais, c’est moins absolu. Comme en témoigne les nouvelles exigences d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, nos contemporains souhaitent toujours réussir leur vie professionnelle mais pas au point d’y sacrifier les autres aspects de leur vie et encore moins d’y laisser leur santé. Le travail a aujourd’hui une dimension moins sacrificielle que par le passé. Comme l’exprime fort bien une expression populaire, nos contemporains ne veulent pas « se tuer au travail ». Et ils souhaitent bien plus qu’auparavant s’y sentir bien. Peu importe le jugement que l’on porte sur cette évolution car elle s’impose à tous, si bien que les entreprises vont devoir composer avec ces aspirations.

Est-ce à dire que le haut niveau actuel d’absentéisme est une fatalité ?
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Travail de nuit et amélioration des conditions de travail

“Les horaires atypiques sont rarement considérés comme un risque professionnel, mais plutôt comme un facteur de pénibilité”. Ensuite, “les effets potentiels sur la santé sont différés dans le temps et pas toujours bien connus”.

“Lors des visites en entreprises, on constate que l’évolution des risques intègre peu la thématique des horaires atypiques”, remarquent Caroline Sevino et Corinne Wolhugel, contrôleurs de sécurité à la Carsat Alsace-Moselle. Comme elles l’expliquent dans un article de la dernière livraison de la revue Hygiène &  sécurité au travail consacrée au travail de nuit, cette lacune s’explique par un faisceau de facteurs (1).

Tout d’abord, “les horaires atypiques sont rarement considérés comme un risque professionnel, mais plutôt comme un facteur de pénibilité”. Ensuite, “les effets potentiels sur la santé sont différés dans le temps et pas toujours bien connus”. Enfin, “une certaine attitude fataliste” débouchant sur “un consensus salariés/employeur sur la difficulté du travail de nuit” contrebalancé par les contreparties que chacun y trouve.

Du côté patronal, le travail de nuit permet bien sûr “une meilleure rentabilisation de l’outil de production”. Mais les salariés semblent aussi y trouver leur compte : “travailler la nuit offre notamment un avantage salarial, une autonomie plus grande, une hiérarchie moins présente et du temps libre en journée”.

Pour faire évoluer les pratiques, la solution mise en avant consiste à associer les salariés aux débats sur l’aménagement du temps de travail. Mais cette façon de faire ne vient pas à bout de toutes les difficultés car “le choix des salariés prend rarement en compte les aspects de santé et de sécurité : leurs priorités sont le temps libéré (favorisant le nombre de jours consécutifs de repos) et la conciliation vie professionnelle – vie personnelle ”. Pour surmonter cet écueil, les intervenantes de la Carsat estiment qu’il faudrait “repositionner le risque lié au travail en horaires atypiques dans l’approche classique de l’évaluation des risques professionnels (EVRP)”, matérialisée par la réalisation de l’incontournable document unique. Lire la suite