La fatigue informationnelle – Un nouveau risque professionnel à évaluer et prévenir

« La fatigue informationnelle ne se contente pas d’entraver la productivité : elle a un impact profond sur la santé des employés. 69 % des travailleurs concernés souffrent de stress, 55 % d’anxiété et 43 % de déprime ».

E-mails, messageries instantanées, visioconférences… Dans un monde professionnel hyperconnecté, la surcharge informationnelle est devenue un véritable enjeu de santé au travail. Une étude récemment réalisée par l’ObSoCo, en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès et Arte, met en lumière un phénomène jusqu’alors sous-estimé : la fatigue informationnelle au travail. Près d’un actif français sur quatre déclare en souffrir, soit environ 7,5 millions de personnes.

Les technologies numériques, censées améliorer la productivité et la communication, génèrent en retour une saturation mentale. La frontière entre vie professionnelle et personnelle s’amenuise, et la pression d’être constamment joignable pèse sur de nombreux travailleurs. Le phénomène touche particulièrement les cadres et managers, mais son impact s’étend progressivement à l’ensemble du monde du travail.

Une surcharge cognitive néfaste pour la qualité de vie au travail

L’essor du numérique et l’explosion des outils de communication ont bouleversé les modes de travail. E-mails, messageries instantanées, visioconférences… Autant de sollicitations permanentes qui fragmentent l’attention et rendent la prise de décision plus complexe. L’étude identifie cinq indicateurs clés de la fatigue informationnelle : le débordement informationnel, la difficulté à décider, la confusion des priorités, la diminution de la concentration et le temps excessif consacré à trier les informations.
La surcharge cognitive ne se traduit pas uniquement par une difficulté à gérer le flux d’informations, mais aussi par une perte de repères dans les tâches quotidiennes. Les employés témoignent d’une incapacité croissante à établir des priorités, ce qui nuit à leur efficacité et engendre un stress accru.
En moyenne, un travailleur français passerait près de deux heures par jour à gérer des informations non essentielles !
Sans surprise, les cadres et les managers sont les plus exposés à ce fléau, avec 42 % d’entre eux concernés. Le télétravail accentue aussi cette surcharge cognitive, bien que son impact semble se stabiliser au-delà de trois jours par semaine. Loin d’être un simple inconfort, cette saturation cognitive a des répercussions sur la santé mentale et l’implication professionnelle.

Revoir les pratiques professionnelles

L’étude souligne que l’abondance de mails et de notifications constitue une source majeure de fatigue. Un actif reçoit en moyenne 32 e-mails par jour, un chiffre qui grimpe à 290 pour les chefs d’entreprise. Pourtant, selon les intéressés, la moitié de ces courriels ne les concerne pas directement, ce qui engendre une perte de temps considérable.

Les réunions, notamment en visioconférence, sont également pointées du doigt.
Près de 28 % des travailleurs les jugent trop nombreuses et 15 % les considèrent inutiles. Cette accumulation d’interruptions contribue à la fragmentation des tâches et à une perte d’efficacité, rendant la journée de travail plus stressante.

D’autres facteurs entrent en jeu, comme la culture du multitâche, souvent perçue comme un gage de performance alors qu’elle réduit en réalité la concentration et augmente la fatigue. Les entreprises gagneraient à instaurer des plages horaires sans interruptions pour favoriser un travail en profondeur.

Des conséquences alarmantes sur la santé et l’engagement

La fatigue informationnelle ne se contente pas d’entraver la productivité : elle a un impact profond sur la santé des employés. 69 % des travailleurs concernés souffrent de stress, 55 % d’anxiété et 43 % de déprime. Pire encore, 28 % d’entre eux ont déjà connu un épisode de burn-out.
L’étude met aussi en avant un lien direct entre la surcharge cognitive et la démotivation. Les actifs les plus touchés ont une vision plus pessimiste de leur avenir professionnel et sont plus enclins à envisager un désengagement. Un salarié confronté à une surcharge d’informations voit son sentiment d’accomplissement baisser, ce qui affecte son implication et sa satisfaction au travail. Au-delà de la santé mentale, des effets physiologiques apparaissent également : troubles du sommeil, fatigue chronique et migraines fréquentes. L’incapacité à se déconnecter, même en dehors des heures de travail, allonge la durée d’exposition au stress et empêche une véritable récupération.

Des solutions pour préserver la santé et la performance

Pour atténuer la fatigue informationnelle, il devient crucial de repenser les pratiques en entreprise. L’étude propose plusieurs pistes :

  • Limiter les sollicitations inutiles en rationalisant l’usage des e-mails et notifications,
  • Encadrer le nombre de réunions et favoriser des formats plus efficaces,
  • Garantir le droit à la déconnexion pour rétablir un équilibre entre vie professionnelle et personnelle,
  • Créer un environnement de travail plus collaboratif et bienveillant, où les employés se sentent écoutés et soutenus.
  • Sensibiliser les managers et les dirigeants à l’importance de réduire la surcharge informationnelle,
    Instaurer des formations sur la gestion efficace des flux d’informations et le renforcement de la concentration.

Certaines entreprises pionnières expérimentent déjà des approches innovantes, comme la mise en place de journées sans emails. Loin de constituer en elles-mêmes un nouveau mode d’organisation, ces initiatives visent à susciter une réflexion collective sur l’utilisation des technologies pour optimiser leur impact sans nuire au bien-être des employés. Lire la suite

Des mesures pour assurer le “droit à la déconnexion”

« La frontière entre travail et vie privée devient plus floue avec l’usage intensif des outils numériques. Sans régulation, les salariés risquent d’être constamment sollicités, entraînant stress et épuisement professionnel ».

Le droit à la déconnexion a été introduit en France par la loi Travail du 8 août 2016. Son objectif est de garantir aux salariés un équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle, en limitant les sollicitations numériques en dehors des horaires de travail.

Ce droit concerne toutes les entreprises, qui doivent, dans celles de plus de 50 salariés, négocier un accord ou adopter une charte précisant les modalités de son application. Cela peut inclure la mise en place de plages horaires sans courriels, la désactivation des notifications ou encore des formations sur la gestion du temps de travail.

L’essor du télétravail a renforcé l’importance de ce droit. En effet, la frontière entre travail et vie privée devient plus floue avec l’usage intensif des outils numériques. Sans régulation, les salariés risquent d’être constamment sollicités, entraînant stress et épuisement professionnel.

Si aucune sanction légale n’est prévue en cas de non-respect, un salarié peut invoquer ce droit en cas de surcharge ou de pression excessive. Le droit à la déconnexion s’inscrit ainsi dans une démarche de prévention des risques psychosociaux et d’amélioration du bien-être au travail.
Pour mettre en œuvre le droit à la déconnexion, les entreprises peuvent adopter diverses mesures telles que :

  • L’interdiction d’envoyer des e-mails professionnels en dehors des horaires de travail, sauf en cas d’urgence.
  • L’instauration de plages horaires de déconnexion, où les serveurs de messagerie et les outils de communication sont désactivés.
  • La mise en place d’outils de gestion du temps, permettant de planifier les e-mails pour qu’ils soient envoyés uniquement pendant les heures de bureau.
  • Des formations et sensibilisations des employés et des managers sur l’importance de la déconnexion et les bonnes pratiques à adopter.
  • Un suivi des temps de connexion, afin de prévenir le surmenage et garantir le respect des temps de repos.

Ces mesures ne bénéficient pas seulement aux salariés : elles sont aussi un levier de performance pour les entreprises. Un personnel reposé et moins stressé est plus productif, créatif et engagé. En adoptant une politique de déconnexion efficace, les entreprises favorisent une meilleure qualité de vie au travail tout en améliorant leur compétitivité.

L’absentéisme dopé par l’explosion des risques psychosociaux

L’absentéisme des salariés français a connu une augmentation spectaculaire au cours des cinq dernières années, enregistrant une hausse de 41 % depuis 2019 », souligne l’édition 2025 du Datascope publié par l’assureur AXA.

Dégradation structurelle

Avec un taux atteignant 4,5 % en 2024, l’absentéisme fait aujourd’hui jeu égal avec celui de l’année 2022, pourtant marquée par les vagues épidémiques du Covid-19. « Autrement dit, ce qui était anormal hier, est devenu la réalité d’aujourd’hui, et nous ne savons pas quand cela va s’arrêter », s’inquiètent les auteurs. Contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, l’absentéisme poursuit donc sa hausse continue, si bien que le rapport parle d’une « dégradation structurelle ». Cette tendance est largement portée par l’augmentation des arrêts de longue durée. En effet, les arrêts de travail de plus de deux mois ont augmenté de 7,5 % par rapport à 2023 et de 58 % par rapport à 2019 !

Dégradation de la santé mentale

Même si de nombreux facteurs entrent en jeu, cette évolution s’explique pour une large part la dégradation de la santé mentale des travailleurs. Ainsi, les troubles psychologiques constituent désormais la première cause des arrêts de longue durée et touchent une population de plus en plus jeune.
En moyenne, l’âge de survenance de ces troubles est passé de 43,3 ans en 2019 à 40,9 ans en 2024. Aujourd’hui, un arrêt de longue durée pour trouble psychologique sur deux concerne une personne de moins de 40 ans. « Cette proportion était de 46 % en 2023, et de 40 % en 2021. Les troubles psychologiques représentent même près de 60 % des arrêts de longue durée des jeunes femmes, particulièrement touchées, contre un tiers pour les jeunes hommes », souligne
l’étude.

Améliorer la qualité de vie au travail

Bien entendu, cette santé mentale dégradée ne s’explique pas par des motifs exclusivement professionnels. Mais les risques psychosociaux semblent toutefois jouer un rôle très important. « En effet, si l’on s’intéresse au détail des causes des troubles psychologiques chez les jeunes, une évolution retient tout particulièrement l’attention : la hausse des “burn-out’’. Leur part a progressé de 15 % par rapport à 2023, et de 66 % par rapport à 2019 », observent les auteurs.
Pour lutter contre l’absentéisme, les employeurs devraient donc avant tout veiller à la bonne santé psychologique de leurs salariés. Il s’agit bien sûr de mieux évaluer, prévenir et traiter les risques psychosociaux mais aussi d’agir, plus globalement, sur la qualité de vie et les conditions de travail (QVTCT) des salariés. Lire la suite

25 % des salariés français ont une santé mentale dégradée… mais ce n’est pas une fatalité !

Dans un climat marqué par une pro fonde inquiétude, la santé mentale des salariés français reste fort dégradée en 2025.

Tous les secteurs concernés

C’est l’un des grands enseignements de la dernière édition du Baromètre Santé Mentale réalisé annuellement par le cabinet Qualisocial et l’Ipsos (1). Selon cette enquête réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 3000 salariés français des secteurs publics et privés, 25 % d’entre eux se déclarent “en mauvaise santé mentale”.
Si tous les secteurs d’activité sont touchés, certains, comme l’administration publique, la restauration, l’hébergement médico-social ou l’action sociale, présentent des taux alarmants, avec près d’un salarié sur trois se déclarant en mauvaise santé mentale.

Manque de confiance dans l’avenir

L’enquête permet aussi d’identifier des facteurs de fragilité liés à la situation des individus. Les femmes de moins de cinquante ans, les salariés à temps partiel, les personnes issues de foyers monoparentaux ou atteintes de maladies chroniques présentent une santé mentale beaucoup plus dégradée que la moyenne. Mais le facteur déterminant de l’état psychologique est le niveau de confiance dans l’avenir. “Un salarié ayant une faible confiance dans l’avenir a 4,3 fois plus de probabilité d’être en mauvaise santé mentale”, notent les auteurs.

La prévention fonctionne !

Il ne faudrait toutefois surtout pas en déduire que la santé mentale dépendrait avant tout du tempérament des individus si bien que les entreprises seraient impuissantes à améliorer l’état psychologique de leurs collaborateurs.
L’étude démontre en effet que les actions de prévention des risques psychosociaux permettent d’obtenir des effets très significatifs. En moyenne, les salariés des entreprises ayant mis en place trois actions de prévention des risques psychosociaux sont 1,3 fois plus nombreux à se déclarer en bonne santé mentale que ceux des entreprises n’ayant mis en place aucune action.

Performance globale

Or cette amélioration de la santé mentale a des effets très positifs sur l’implication des collaborateurs. Dans les entreprises soucieuses de prévention, les salariés disent être “plus engagés au travail” (+20 %) avoir “plus d’énergie au travail” (+23 %). Enfin, ils sont beaucoup plus enclins à “recommander leur entreprise” (+35 %).
Autant de résultats qui prouvent qu’il n’y a aucune fatalité à la déprime et à l’anxiété des salariés français. Des actions de prévention des risques et d’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail (QVTCT) peuvent contribuer de façon prépondérante à les rasséréner et même les remobiliser !

  • Baromètre Santé mentale et QVCT pour 2025”, réalisé par Qualisocial avec l’Ipsos, janvier 2025.

Violences externes – Comment protéger ses salariés ?

« Un climat d’insécurité génère toujours une dégradation du climat social et empêche les salariés de développer leur potentiel. Il plombe l’enthousiasme et la motivation, entrave la créativité, accroît l’absentéisme et amoindrit la loyauté envers l’entreprise et envers les clients… »

Chauffeurs de bus, enseignants, médecins, guichetiers d’agences bancaire, téléopérateurs, commerçants, caissières de supermarché, releveurs de compteur, livreurs, agents d’entretien, réparateurs, etc. Les travailleurs en contact avec le public sont de plus en plus nombreux à subir des actes de violences de la part de clients, d’usagers ou de patients. Face à ce vent mauvais, entreprises et administrations peuvent – et même doivent – prendre des mesures pour protéger la santé physique et mentale de leurs employés.

Le constat est hélas largement partagé selon un récent sondage de l’Institut: Elabe, “77 % des Français font le constat d’une société de plus en plus violente” et 60 % déclarent se sentir souvent (17 %) ou de temps en temps (43 %) “inquiets pour leur propre sécurité”. Or, cette montée de la violence n’épargne évidemment pas le monde du travail, de nombreux travailleurs étant exposés à ce que l’on appelle les “violences externes”. En 2010, 15 % des salariés du régime général et 23,5 % des salariés de la fonction publique déclaraient avoir subi au moins une agression verbale au cours des douze derniers mois. Et ils étaient respectivement 2 % et 4 % à signaler avoir été victime d’au moins une agression physique durant la même période. Or, chacun sait que la situation est très loin de s’être améliorée depuis…

Une grande variété de violences

Pour cerner l’ampleur du phénomène, il faut d’abord bien comprendre que les violences externes ne sont pas constituées des seuls actes criminels. Comme le souligne l’INRS, elles comprennent en effet l’ensemble des “insultes, menaces, agressions physiques ou psychologiques, exercées contre une personne sur son lieu de travail, par des personnes extérieures à l’entreprise, y compris des clients et qui mettent en péril sa santé, sa sécurité ou son bien-être”.
Les violences externes ne se limitent donc nullement aux actes pouvant donner lieu à des poursuites pénales. Ainsi, un employé de service après-vente régulièrement exposé à la colère des clients qu’il gère est incontestablement victime de violences externes, même si l’agressivité de ceux-ci relève de la simple grossièreté et ne les expose pas à des poursuites.

De multiples facteurs de risque

Pour identifier les causes de l’explosion des violences externes, l’INRS évoque plusieurs facteurs de risque. Il pointe ainsi des causes économiques et sociales, comme la précarité de certains publics et des causes socioculturelles comme “l’évolution des codes du savoir-vivre ensemble”. “Les manières de parler, d’interpeller l’autre, de se comporter avec lui… divergent selon les valeurs, les codes culturels et les modes d’éducation de chacun”, observent les experts.

Mais il faut aussi compter avec des facteurs liés à l’organisation de l’entreprise ou à la gestion de la relation avec les clients ou les usagers. Ainsi, des produits ou services ne correspondant pas aux attentes du client ou délivrés avec retard démultiplient bien évidemment les occasions de tensions. Lire la suite