Emmanuel Pochet est gérant de Point Org Sécurité, société spécialisée dans l’accompagnement des entreprises en matière de prévention des risques et formateur en évaluation des risques professionnels. Il décrypte ici les enjeux de la lutte contre l’absentéisme au regard de son expérience et des évolutions constatées sur le terrain.
À l’occasion de récentes enquêtes consacrées à l’absentéisme, certains commentateurs attribuaient sa hausse actuelle au désengagement des salariés. Partagez-vous cet avis ?
Il est certain que le rapport au travail a changé. Aujourd’hui, le travail est bien sûr toujours un moyen de gagner sa vie. Mais il est de plus en plus envisagé aussi comme un moyen de la réussir. Nos contemporains ont à l’égard de leur travail de nouvelles exigences. Davantage qu’auparavant, ils souhaitent s’y sentir bien, s’y épanouir. Dès lors l’engagement des salariés est plus difficile à obtenir car il ne résulte plus de la simple transaction “travail contre salaire”. Toutefois, dans le même temps, ce discours me gêne un peu car il peut laisser croire que la cause principale de l’absentéisme résiderait dans un changement des mentalités. La focalisation sur le désengagement peut ainsi favoriser un certain fatalisme voire… un désengagement des employeurs dans la lutte contre l’absentéisme !
Vous pensez donc qu’il est possible d’en finir avec l’absentéisme ?
Ne rêvons pas ! Une part de l’absentéisme est incompressible et s’explique par des causes extérieures à l’entreprise sur lesquelles il lui est difficile d’agir. Le pic hivernal d’absence provoqué par les épidémies de grippes ou de gastro-entérites en est un bon exemple. Mais une part considérable d’absences est générée par des causes endogènes à l’entreprise, sur lesquelles elle a prise. Toute activité comporte nécessairement des risques, les fameux “risques du métier” qui existent mais qu’il faut s’attacher à réduire, voire à faire disparaître, par des mesures appropriées. Comme le souligne le statisticien et ergonome Serge Volkoff dans une récente livraison du magazine Santé & Travail“ bien des contraintes ou nuisances en milieu de travail constituent des facteurs d’accroissement des arrêts maladies. C’est le cas évidemment pour les facteurs d’accidents du travail et de maladies professionnelles, ces derniers représentant un gros quart des indemnités journalières versées pour des absences liées à l’état de santé, hors maternité”. Préserver la santé et la sécurité des travailleurs n’est pas seulement, pour l’entreprise, une obligation légale et morale, c’est le plus sûr moyen d’agir sur l’absentéisme. Lire la suite →