Jean-Dominique Dewitte : “Les Médecins du travail et les Intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) ont vocation à coopérer.”
« Les Médecins du travail et, plus globalement, l’ensemble des membres des Services de prévention et de santé au travail (SPSTI), sont des conseillers au service des différents acteurs de l’entreprise, au même titre que d’autres intervenants, publics ou non, comme les IPRP. »
Professeur des universités et praticien hospitalier en Médecine du travail, Jean-Dominique Dewitte préside la Société Française de Médecine du Travail. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il revient sur la récente loi “santé au travail” en la replaçant dans la déjà longue histoire de la Médecine du travail. Il ébauche aussi quelques pistes visant à permettre aux professionnels de la santé et de la sécurité au travail de remplir le plus efficacement possible leurs missions au service des entreprises et des travailleurs, notamment en matière de prévention des risques.
Pouvez-vous, en guise d’introduction, nous présenter les grandes phases de l’histoire de la santé au travail ?
La prise de conscience de l’origine professionnelle de certaines maladies est très ancienne puisque l’on en trouve déjà mention dans la Bible ou chez Hippocrate évoquant la colique de plomb des peintres. C’est toutefois à la fin du XIXe siècle, au début de l’ère industrielle, que naît la Médecine du travail telle qu’on la connaît aujourd’hui. La loi du 9 avril 1898 mettant en place un système facilité de réparation des accidents du travail représente une étape importante car elle a simultanément suscité un premier élan significatif de prévention des risques professionnels. En effet, pour se protéger du risque financier que représentait l’indemnisation des travailleurs accidentés, les employeurs se sont tournés vers des assureurs qui, en retour, ont exigé de leurs assurés qu’ils fassent entrer des professionnels de santé à l’intérieur des entreprises, dans le but de réduire le nombre et la gravité des accidents. Or, une fois à l’intérieur de l’entreprise, ces professionnels de santé ont été assez rapidement mobilisés pour donner des conseils relatifs à l’hygiène collective et individuelle, qui était l’une des grandes préoccupations de l’époque, mais aussi sur l’organisation du travail. L’autre grande étape est, en 1919, l’indemnisation des maladies professionnelles, avec l’apparition des premiers tableaux de maladies. C’est dans ce contexte porteur que la Médecine du travail s’est progressivement affirmée comme une spécialité médicale à part entière avec, par exemple, la création au début des années trente des premiers instituts de médecine du travail, à Lyon, Paris et Lille.