Accidents de trajet – Un risque à mieux prévenir

« L’entreprise peut sensibiliser aux risques routiers tous ses salariés, y compris ceux qui ne prennent pas la route dans le cadre de leurs missions professionnelles. »

En 2019, 406 personnes sont décédées sur les routes lors d’un déplacement lié au travail. Parmi elles, 111 ont trouvé la mort lors d’un déplacement effectué dans l’exercice d’une mission professionnelle et 295 lors du trajet entre leur domicile et leur travail. Même s’ils ne constituent pas formellement des accidents de travail, ces “accidents de trajet”, comme on les appelle communément, doivent donc faire l’objet d’une attention particulière. C’est pourquoi le Ministère du Travail a récemment consacré une étude aux accidents de trajet recensés en 2019. En voici les principaux enseignements.

Plus de 100 000 accidents

  • Un phénomène massif. On a recensé, en 2019, 101 000 accidents de trajet, soit 54 accidents de trajet pour 10 000 emplois en équivalent temps plein (ETP). Et 7 200 sont des accidents graves donnant lieu à la reconnaissance d’une incapacité partielle permanente (soit 3,7 accidents de trajet graves pour 10 000 emplois ETP).
  • Les femmes plus exposées. On compte, chez les femmes, 67 accidents pour 10 000 emplois en ETP, contre 43 pour les hommes. Cette forte différence s’explique par la plus grande proportion de femmes occupant des emplois à horaires morcelés, impliquant davantage de trajets : 69 % d’entre elles effectuent deux allers-retours ou plus par jour travaillé contre 29 % de l’ensemble des actifs occupés. Autre spécificité : “elles effectuent, en moyenne, des trajets domicile-travail avec davantage de détours, pour déposer un enfant, aller le chercher, faire des courses, etc.”
  • Plus d’accidents chez les jeunes. Les jeunes de moins de 20 ans sont très fortement touchés par les accidents de trajet professionnel avec 173 accidents pour 10 000 emplois en ETP contre 44 accidents pour 10 000 emplois au-delà de 40 ans.
  • Surexposition des secteurs à emploi du temps morcelé. Le secteur médico-social et social, et celui de la restauration et de l’hébergement sont plus touchés avec, respectivement, 102 et 82 accidents pour 10 000 emplois en ETP. Pour les experts de la Dares, “cela s’explique sans doute par une proportion importante d’emplois à temps partiel, avec des horaires fragmentés, notamment pour les aides à domicile et aides ménagères, professions répandues dans ce secteur d’activité.”
  • Plus d’accidents le matin. Les accidents de trajet ont plus souvent lieu le matin, surtout entre 7 heures et 10 heures, cette plage horaire concentrant à elle seule 38,3 % des accidents de trajet. Selon les auteurs, cela résulte de la densité de trafic à ces horaires, 54 % des salariés débutant leur journée de travail entre 7 heures 30 et 9 heures, alors que les horaires de fin de journée varient davantage d’un salarié à l’autre.

Actions de prévention

Formellement, les employeurs n’ont aucune obligation de sécurité relative aux déplacements qu’effectuent leurs salariés entre leur domicile et leur travail. Mais le coût humain et économique entraîné par ces accidents, et tout particulièrement par les plus graves d’entre eux, incite toutefois à ne pas fermer les yeux. En effet, l’entreprise peut agir en limitant autant que possible les déplacements des salariés et en favorisant le recours aux transports collectifs. Enfin, rien n’interdit qu’elle sensibilise aux risques routiers tous ses salariés, y compris ceux qui ne prennent pas la route dans le cadre de leurs missions professionnelles.

Protocole de sécurité des opérations de chargement /déchargement

« Sécuriser le plus possible les conditions de travail des salariés va dans le sens d’un renforcement constant des actions de prévention à leur bénéfice. Il se révèle ainsi conforme à la volonté législative et réglementaire croissante sur ces questions. »

Précisions sur la participation aux opérations de chargement et de déchargement

Le Code du travail dispose qu’un protocole de sécurité doit être établi pour les opérations de chargement ou de déchargement réalisées par des entreprises extérieures transportant des marchandises, en provenance ou à destination d’un lieu extérieur à l’enceinte de l’entreprise utilisatrice, dite « entreprise d’accueil ». Que faut-il entendre par opérations de chargement et de déchargement ? À partir de quel moment la participation des salariés des entreprises extérieures à ces travaux rend-elle obligatoire l’établissement d’un protocole de sécurité ? Quelles sont les conséquences de la mise en place d’un tel document ? La Cour de cassation vient d’en donner une interprétation large, avec des implications sur les responsabilités engagées en cas de sinistre.

Explications.

De quoi parlons-nous ? Le protocole de sécurité a été créé pour organiser la protection des salariés d’entreprises extérieures qui interviennent, lors de missions de chargement et de déchargement au sein d’entreprises autres que la leur. Il se substitue alors au plan de prévention.
Le Code du travail définit cette mission comme une activité concourant à la mise en place ou à l’enlèvement sur ou dans un engin de transport routier, de produits, fonds et valeurs, matériels ou engins, déchets, objets et matériaux de quelque nature que ce soit.
Dès lors que l’activité effectuée est identifiée comme telle, un protocole de sécurité doit donc être mis en place. Il va alors contenir les informations utiles à l’évaluation des risques de toute nature qui sont générés par l’opération ainsi que les mesures de prévention et de sécurité à observer à chacune des phases de sa réalisation.
La Cour de cassation, dans une décision du 12 décembre 2023 (Chambre Criminelle, pourvoi n° 22 84.854), a précisé le périmètre de cette obligation. Dans cette affaire, à l’occasion d’un chargement de sacs de pommes de terre dans l’enceinte d’une société, un salarié de celle-ci avait heurté un chauffeur employé par une société extérieure. Dans sa chute, ce dernier avait eu les deux poignets fracturés. Pour expliquer qu’elle n’avait pas établi de protocole de sécurité avec l’entreprise qui la livrait, la société utilisatrice soulevait que c’est elle qui avait effectué les opérations de chargement et de déchargement.
En première instance, les deux entreprises avaient pourtant été condamnées pour non-établissement d’un protocole de sécurité, décision qu’elles avaient contestée devant la cour d’appel d’Amiens qui l’avait confirmée. Cette dernière avait en effet jugé que les deux entreprises auraient dû établir un protocole de sécurité pour les raisons suivantes : Lire la suite

Trop de salariés mal informés des risques de leur travail

Les employés semblent la catégorie la moins informée (32 %), assez loin derrière les cadres (41 %) et les ouvriers (47 %)

L’employeur est tenu d’informer ses salariés de leurs risques professionnels et de mettre en place des dispositifs de prévention. Comment ces obligations se traduisent-elles dans les pratiques ? Qui sont les salariés les mieux informés sur les risques professionnels ? Par quels moyens et grâce à quels acteurs en sont-ils informés ? Pour répondre à ces questions, les experts de la Dares (Ministère du travail) se sont plongés dans les données de l’enquête Conditions de Travail de 2019. Les résultats recueillis tendent hélas à démontrer que de nombreux salariés français ne sont pas suffisamment informés des risques auxquels ils sont exposés dans l’exercice de leur métier. Voici les principaux enseignements de cette étude.

1) Une information déficiente, y compris pour les salariés exposés à des risques élevés.

Le Code du travail précise que l’information des travailleurs sur les risques professionnels qu’ils encourent fait partie des obligations qui incombent aux employeurs. Mais, selon la Dares, d nombreux progrès peuvent encore être accomplis en la matière.
Ainsi, « en 2019, parmi les salariés du secteur privé travaillant dans des établissements d’au moins 10 salariés, 43 % déclarent avoir été informés, au cours des douze derniers mois précédents, des risques professionnels auxquels ils peuvent être exposés dans l’exercice de leur travail. » Or, parmi eux, plus de la moitié est pourtant exposée à plus de cinq facteurs de pénibilité physique au travail*.
Et ce défaut d’information concerne hélas aussi les salariés exerçant des activités professionnelles fortement exposées. Les experts relèvent ainsi que « si les salariés connaissant une exposition “très élevée” aux risques physiques reçoivent plus souvent une telle information, cela n’en concerne cependant qu’un peu plus de la moitié (52 %) ».
De même, les salariés exposés à un nombre « élevé » de facteurs de pénibilité physique ne sont pas plus fréquemment informés que les salariés « modérément ou peu exposés » (40 %).
En termes de catégories socioprofessionnelles, « les employés semblent représenter la catégorie la moins informée (32 %), assez loin derrière les cadres et professions intermédiaires sans activité d’encadrement (respectivement 41 % et 45 %), et les ouvriers (47 %). »

2) L’employeur, premier vecteur d’information sur les risques

La quasi-totalité des salariés qui affirment être informés des risques professionnels liés à leur activité déclarent l’être avant tout par leur employeur (ou des experts extérieurs intervenant à sa demande). 92,7 % des salariés ayant reçu des informations sur les risques professionnels au cours des 12 derniers mois, les ont reçues, au moins en partie, de leur employeur.
Les autres sources d’information arrivent loin derrière avec 38,5 % de salariés qui se disent informés par les élus du personnel ou les délégués syndicaux, 31,4 % par la médecine du travail et 29,7 % par les collègues. Comme le souligne l’étude,« ce constat est cohérent avec le cadre légal prévu par le Code du travail, puisque l’employeur a la responsabilité de veiller à la santé et à la sécurité de ses travailleurs, en mettant en place des actions de prévention, d’information, de formation et d’évaluation des risques ».
Les auteurs s’interrogent sur le faible score recueilli par la médecine du travail alors qu’« en assurant des visites médicales régulières, le médecin du travail (ou de prévention) occupe, une place privilégiée d’observateur et d’informateur ». Pour expliquer ce paradoxe, ils rappellent que cette tâche est accomplie « dans un contexte de réduction du nombre des médecins du travail ».

3) Le document unique inconnu de nombreux salariés

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Séminaire 2024 de Pôle Prévention

150 professionnels réunis pour échanger sur leurs expériences de terrain et réfléchir aux nouveaux enjeux de la prévention.

Les 23 et 24 mai, les cadres et salariés de Point Org Sécurité ont participé, à Saint-Cyr-sur-Mer (83), au séminaire d’entreprise du Groupe Pôle Prévention. Dans le cadre enchanteur du domaine viticole de la Frégate, quelque 150 conseillers d’entreprise et intervenants en préventions des risques étaient venus de toutes les régions de France afin de plancher ensemble sur les nouveaux enjeux de la prévention des risques professionnels.
Dans une ambiance tour à tour studieuse et conviviale, ces journées de réflexion ont été nourries par l’évolution des obligations en matière de santé et de sécurité au travail mais aussi par l’échange des riches expériences de chacun. Avec un objectif inchangé : trouver toujours les meilleurs moyens d’accompagner nos clients dans leurs démarches de prévention des risques et d’amélioration des conditions de travail.

Radiographie de la prévention des risques professionnel

91% des établissements de plus de 250 salariés du secteur privé disposent d’un DUERP mis à jour tandis que ce n’est le cas que dans 41 % des établissements de moins de 10 salariés.

Le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) est-il tenu à jour et des mesures de prévention contre les risques sont-elles mises en œuvre ? Y a-t-il des différences de situation selon le secteur d’activité et la taille de l’établissement ? L’identification des risques amène-t-elle à plus de prévention ? Depuis 2013, les enquêtes Conditions de travail de la Dares (Ministère du Travail) questionnent les employeurs sur leurs pratiques en matière de prévention. Réalisée en 2019 auprès de quelque 17000 dirigeants d’établissements privés et publics, la dernière édition de cette enquête offre une radiographie de la prévention des risques professionnels par les employeurs français. En voici les principaux enseignements.

1 – Une évaluation des risques encore déficiente dans plus de la moitié des établissements

L’enquête révèle qu’en 2019, seuls des établissements déclaraient avoir leur “46 % document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) à jour, c’est-à-dire rédigé ou actualisé au cours des douze derniers mois”. Autre lacune : parmi ces documents uniques, moins de la moitié (48 %) intègrent les risques psychosociaux et seuls 77 % sont portés à la connaissance du personnel.

Difficultés des TPE à s’acquitter de leurs obligations

Sans surprise, l’enquête confirme la forte disparité de l’évaluation des risques selon la taille de l’établissement : 91% des établissements de plus de 250 salariés du secteur privé disposent d’un DUERP mis à jour tandis que ce n’est le cas que dans 41 % des établissements de moins de 10 salariés. Pour les analystes de la Dares, “cette sous-documentation des risques dans les plus petites structures s’explique par de faibles connaissances et compétences en matière de santé au travail, la complexité de la réglementation” mais aussi par “l’absence de contact avec les préventeurs” qui leur permettraient justement de surmonter leurs difficultés en matière d’évaluation et de prévention des risques.
De façon plus inédite, l’enquête révèle que l’attention portée à l’évaluation des risques est fortement corrélée à la perception des risques par l’employeur. Ainsi, lorsque celui-ci estime que les salariés ne sont exposés à aucun des risques identifiés dans l’enquête, le DUERP est à jour dans seulement 37 % des établissements. Mais “la proportion passe à 51%lorsquelemployeuridentifieunouplusieursrisques psychosociaux, à 63 % lorsqu’il s’agit d’un ou plusieurs risques physiques, et 65 % en cas de cumul des deux formes d’exposition. ”Preuve que ce déficit d’évaluation a nécessairement des conséquences néfastes en matière de santé et de sécurité au travail, « un tiers des employeurs qui déclarent à la fois des risques psychosociaux et physiques n’ont pas de DUERP à jour”.

2 – L’engagement dans la prévention très variable selon les entreprises et les risques

L’enquête souligne qu’en 2019, établissements avaient effectué au moins “52 % des une action de prévention contre les risques physiques au cours des douze derniers mois et 33 % au moins une action contre les risques psychosociaux au cours des trois dernières années”.
De façon logique, les entreprises les plus investies sont celles qui perçoivent les risques auxquels sont exposés leurs membres : “La part des employeurs qui font de la prévention double entre ceux qui ne déclarent pas ou très peu de risques et les autres : elle passe de 40 % à 74 % pour les risques physiques sur les douze derniers mois et de 23 % à 47 % pour les risques psychosociaux sur les trois dernières années.”.
Sans surprise, la disparité selon la taille de l’entreprise est confirmée. “Les mesures de prévention sont plus répandues dans les établissements de 50 salariés ou plus qui y exposent leurs salariés (9 cas sur 10 dans le public comme le privé pour les risques physiques ou psychosociaux), que dans ceux de 10 salariés ou moins (7 sur 10 pour les risques physiques et 4 sur 10 pour les risques psychosociaux, dans le public comme dans le privé).” L’enquête donne aussi une idée de l’éventail des actions de prévention réalisées. “Les actions nouvelles les plus répandues contre les risques physiques sont la mise à disposition de nouveaux équipements de protection individuelle (EPI, 18 %), la formation des salariés à la sécurité autravail(16%)etlamodificationdeslocauxet équipements (16 %).”

D’importantes marges de progrès réalisables

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