L’absentéisme dopé par l’explosion des risques psychosociaux

L’absentéisme des salariés français a connu une augmentation spectaculaire au cours des cinq dernières années, enregistrant une hausse de 41 % depuis 2019 », souligne l’édition 2025 du Datascope publié par l’assureur AXA.

Dégradation structurelle

Avec un taux atteignant 4,5 % en 2024, l’absentéisme fait aujourd’hui jeu égal avec celui de l’année 2022, pourtant marquée par les vagues épidémiques du Covid-19. « Autrement dit, ce qui était anormal hier, est devenu la réalité d’aujourd’hui, et nous ne savons pas quand cela va s’arrêter », s’inquiètent les auteurs. Contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, l’absentéisme poursuit donc sa hausse continue, si bien que le rapport parle d’une « dégradation structurelle ». Cette tendance est largement portée par l’augmentation des arrêts de longue durée. En effet, les arrêts de travail de plus de deux mois ont augmenté de 7,5 % par rapport à 2023 et de 58 % par rapport à 2019 !

Dégradation de la santé mentale

Même si de nombreux facteurs entrent en jeu, cette évolution s’explique pour une large part la dégradation de la santé mentale des travailleurs. Ainsi, les troubles psychologiques constituent désormais la première cause des arrêts de longue durée et touchent une population de plus en plus jeune.
En moyenne, l’âge de survenance de ces troubles est passé de 43,3 ans en 2019 à 40,9 ans en 2024. Aujourd’hui, un arrêt de longue durée pour trouble psychologique sur deux concerne une personne de moins de 40 ans. « Cette proportion était de 46 % en 2023, et de 40 % en 2021. Les troubles psychologiques représentent même près de 60 % des arrêts de longue durée des jeunes femmes, particulièrement touchées, contre un tiers pour les jeunes hommes », souligne
l’étude.

Améliorer la qualité de vie au travail

Bien entendu, cette santé mentale dégradée ne s’explique pas par des motifs exclusivement professionnels. Mais les risques psychosociaux semblent toutefois jouer un rôle très important. « En effet, si l’on s’intéresse au détail des causes des troubles psychologiques chez les jeunes, une évolution retient tout particulièrement l’attention : la hausse des “burn-out’’. Leur part a progressé de 15 % par rapport à 2023, et de 66 % par rapport à 2019 », observent les auteurs.
Pour lutter contre l’absentéisme, les employeurs devraient donc avant tout veiller à la bonne santé psychologique de leurs salariés. Il s’agit bien sûr de mieux évaluer, prévenir et traiter les risques psychosociaux mais aussi d’agir, plus globalement, sur la qualité de vie et les conditions de travail (QVTCT) des salariés. Lire la suite

Dialogue social : santé, sécurité et conditions de travail, en tête des attentes

Seuls 59 % des salariés estiment que l’entreprise “informe suffisamment les salariés des actions menées en matière de santé au travail” ou encore qu’elle “mène suffisamment d’actions en matière de santé au travail”.

Le Baromètre IFOP-Syndex sur l’état du dialogue social en entreprise est toujours scruté avec beaucoup d’attention tant il permet de se faire une idée précise de l’évolution du climat social. En effet, grâce à la consultation de 1878 représentants du personnel, 1303 salariés et 400 dirigeants, cette enquête offre un panorama très complet des attentes des différents acteurs du
dialogue social.

Consensus sur l’amélioration des conditions de travail

Publiée le 23 janvier, la dernière édition confirme, sans surprise, l’absence de consensus sur la qualité du dialogue social. En effet, si les dirigeants lui attribuent, en moyenne, une note de 7,8 (sur une échelle de 1 à 10), les salariés lui accordent une note de 6 tandis que les représentants du personnel ne lui concèdent qu’une note de 5,3.
C’est regrettable car, dans le même temps, dirigeants, salariés et représentants du personnel s’accordent parfaitement sur les sujets à traiter en priorité. Tous placent en tête “les conditions de travail”, “la santé et les risques psychosociaux” ainsi que la sécurité au travail, loin devant “les choix stratégiques de l’entreprise”, “l’égalité femmes-hommes” ou encore “les enjeux environnementaux”.
Dans le détail, les conditions de travail sont jugées “prioritaires” par 93 % des représentants du personnel, 76 % des salariés et 54 % des dirigeants ; la santé et les risques psychosociaux par 92 % des représentants du personnel, 65 % des salariés et 58 % des dirigeants. Et les mêmes plébiscitent également la sécurité au travail, avec respectivement 86 %, 75 % et 70 %. À titre de comparaison, la question pourtant cruciale de “la gestion des compétences et de l’emploi” n’est jugée prioritaire que par 61 % des représentants du personnel, 42 % des salariés et 33 % des dirigeants.

Santé et sécurité, vecteurs de performance sociale

Mais cet accord sur le caractère prioritaire des actions à mener en matière de santé, sécurité et conditions de travail ne signifie hélas pas que les salariés se montrent pleinement satisfaits à ce sujet. En effet, seuls 70 % d’entre eux estiment que “leur entreprise met en place des mesures pour les protéger des accidents du travail”. De même ils sont seulement 59 % à estimer qu’elle “informe suffisamment les salariés des actions menées en matière de santé au travail” ou encore qu’elle “mène suffisamment d’actions en matière de santé au travail”.
Des marges de progrès existent donc encore pour répondre à ces attentes. Les dirigeants devraient s’attacher à y répondre car nul doute que cela aurait un effet très bénéfique sur le climat social mais aussi sur l’attractivité de leurs entreprises. En effet, parmi les facteurs pouvant les inciter à “rester le plus longtemps possible dans leur entreprise”, les salariés placent en seconde position la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), juste derrière la rémunération.

Les accidents routiers restent la première cause de mortalité au travail

« C’est le risque routier qui est à l’origine de la plus grande part des décès (20 %) devant les chutes de hauteur et les manutentions manuelles. »

En termes d’origine, les manutentions manuelles constituent le poste des accidents les plus fréquents. Elles représentent la moitié, environ, des accidents de travail ayant nécessité un arrêt de 4 jours ou plus. Viennent ensuite les chutes de plain-pied (15 à 20 %), les chutes de hauteur (10 %) et l’usage ou la manipulation d’outillage à main (9 %).
C’est néanmoins le risque routier qui est à l’origine de la plus grande part des décès (20 %) devant les chutes de hauteur et les manutentions manuelles.

Dans la seule filière agricole, ce sont les accidents cardiovasculaires qui représentent à eux seuls plus de 42 % des AT mortels.
Ce sont les activités de services qui enregistrent le plus d’AT reconnus, devant ceux de l’alimentation, les transports et le BTP. Pour les activités agricoles, ce sont les activités avec animaux (entraînement, dressage, haras…) qui enregistrent avec 9,3 le taux de fréquence des AT dits graves le plus élevé, devant les activités d’exploitations de bois, de scierie et de sylviculture.

Retrouvez cet article dans le numéro 459 de la revue d’information et d’analyse PREVENSCOPE : «La Prévention des Risques en Entreprise ».

Prévention des risques : valorisons les efforts accomplis !

« En France il y a une présomption d’imputabilité très stricte qui fait que tout accident survenant au lieu et temps du travail est présumé lié au travail et déclaré comme tel. Dans les autres pays, il faut toujours établir un lien de causalité entre le travail et le sinistre »

«Le nombre d’accidents du travail mortels signalés par les agents de contrôle de l’inspection du travail a augmenté de 39 % entre les quatre premiers mois de 2023 et de 2024 », annonce un récent article du Monde (1). En effet, de janvier à avril, 157 décès sont ainsi remontés par SUIT, le système d’information de la direction générale du travail (DGT), contre 113 sur la même période en 2023.

Mais le quotidien précise toutefois qu’« il s’agirait paradoxalement d’une bonne nouvelle, reflétant une meilleure information des inspecteurs par les employeurs » et en aucun cas du signe d’une soudaine explosion de la sinistralité au travail. En l’espèce, selon la DGT elle-même la meilleure remontée des cas d’accidents mortels auprès des inspecteurs du travail résulte d’un décret de juin 2023 qui oblige les employeurs à informer l’inspection dans les douze heures lorsqu’un salarié est victime d’un accident mortel. Résultat : « Les malaises et les décès routiers semblent arriver plus facilement aux inspecteurs », se félicite Pierre Ramain, directeur général du travail.

Cette dernière remarque oblige à rappeler combien le calcul de la sinistralité au travail dépend directement des méthodes utilisées pour recueillir et interpréter ces données. Si bien que la moindre modification des méthodes modifie sensiblement le résultat obtenu. Et cela n’est évidemment pas neutre. Raphaël Haeflinger, directeur d’Eurogip, l’organisme chargé de se pencher, pour l’Assurance maladie, sur les questions de santé au travail en Europe, le rappelait récemment « en France il y a une présomption d’imputabilité très stricte qui fait que tout accident survenant au lieu et temps du travail est présumé lié au travail et déclaré comme tel. Dans les autres pays, il faut toujours établir un lien de causalité entre le travail et le sinistre » (2). Lire la suite

Trop de salariés mal informés des risques de leur travail

Les employés semblent la catégorie la moins informée (32 %), assez loin derrière les cadres (41 %) et les ouvriers (47 %)

L’employeur est tenu d’informer ses salariés de leurs risques professionnels et de mettre en place des dispositifs de prévention. Comment ces obligations se traduisent-elles dans les pratiques ? Qui sont les salariés les mieux informés sur les risques professionnels ? Par quels moyens et grâce à quels acteurs en sont-ils informés ? Pour répondre à ces questions, les experts de la Dares (Ministère du travail) se sont plongés dans les données de l’enquête Conditions de Travail de 2019. Les résultats recueillis tendent hélas à démontrer que de nombreux salariés français ne sont pas suffisamment informés des risques auxquels ils sont exposés dans l’exercice de leur métier. Voici les principaux enseignements de cette étude.

1) Une information déficiente, y compris pour les salariés exposés à des risques élevés.

Le Code du travail précise que l’information des travailleurs sur les risques professionnels qu’ils encourent fait partie des obligations qui incombent aux employeurs. Mais, selon la Dares, d nombreux progrès peuvent encore être accomplis en la matière.
Ainsi, « en 2019, parmi les salariés du secteur privé travaillant dans des établissements d’au moins 10 salariés, 43 % déclarent avoir été informés, au cours des douze derniers mois précédents, des risques professionnels auxquels ils peuvent être exposés dans l’exercice de leur travail. » Or, parmi eux, plus de la moitié est pourtant exposée à plus de cinq facteurs de pénibilité physique au travail*.
Et ce défaut d’information concerne hélas aussi les salariés exerçant des activités professionnelles fortement exposées. Les experts relèvent ainsi que « si les salariés connaissant une exposition “très élevée” aux risques physiques reçoivent plus souvent une telle information, cela n’en concerne cependant qu’un peu plus de la moitié (52 %) ».
De même, les salariés exposés à un nombre « élevé » de facteurs de pénibilité physique ne sont pas plus fréquemment informés que les salariés « modérément ou peu exposés » (40 %).
En termes de catégories socioprofessionnelles, « les employés semblent représenter la catégorie la moins informée (32 %), assez loin derrière les cadres et professions intermédiaires sans activité d’encadrement (respectivement 41 % et 45 %), et les ouvriers (47 %). »

2) L’employeur, premier vecteur d’information sur les risques

La quasi-totalité des salariés qui affirment être informés des risques professionnels liés à leur activité déclarent l’être avant tout par leur employeur (ou des experts extérieurs intervenant à sa demande). 92,7 % des salariés ayant reçu des informations sur les risques professionnels au cours des 12 derniers mois, les ont reçues, au moins en partie, de leur employeur.
Les autres sources d’information arrivent loin derrière avec 38,5 % de salariés qui se disent informés par les élus du personnel ou les délégués syndicaux, 31,4 % par la médecine du travail et 29,7 % par les collègues. Comme le souligne l’étude,« ce constat est cohérent avec le cadre légal prévu par le Code du travail, puisque l’employeur a la responsabilité de veiller à la santé et à la sécurité de ses travailleurs, en mettant en place des actions de prévention, d’information, de formation et d’évaluation des risques ».
Les auteurs s’interrogent sur le faible score recueilli par la médecine du travail alors qu’« en assurant des visites médicales régulières, le médecin du travail (ou de prévention) occupe, une place privilégiée d’observateur et d’informateur ». Pour expliquer ce paradoxe, ils rappellent que cette tâche est accomplie « dans un contexte de réduction du nombre des médecins du travail ».

3) Le document unique inconnu de nombreux salariés

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