Le contrôle par alcotest sur le lieu de travail : une procédure applicable sous conditions

« Dès lors que les salariés d’une entreprise sont amenés à conduire ses véhicules ou à effectuer des tâches dont une mauvaise exécution peut être dangereuse pour lui ou pour les autres, il est conseillé de prévoir la possibilité d’un contrôle d’alcoolémie ».


Un chef d’entreprise, au titre de l’obligation de sécurité qu’il a vis-à-vis de ses salariés, peut avoir intérêt soumettre ponctuellement certains d’entre eux à des contrôles d’alcoolémie. Cette procédure est très encadrée, dans un souci de respect des libertés individuelles, de la vie privée et du droit à se défendre du salarié, en cas de contrôle positif. Nous vous récapitulons les conditions à respecter pour qu’un tel contrôle soit valide ainsi que les conséquences qu’il peut avoir sur le salarié concerné. Il doit être prévu dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service.

Mettre en œuvre un contrôle d’alcoolémie n’est possible que si cela a été prévu par une clause du règlement intérieur, quand l’entreprise a un effectif d’au moins 50 salariés. En dessous de ce seuil, il peut figurer dans une note de service et doit alors suivre le même formalisme pour pouvoir s’appliquer. Le texte précise les produits et/ ou les outils justifiant un tel contrôle (ex. : manipulation de produits dangereux, conduite des véhicules, d’engins etc.) ainsi que les modalités du contrôle et les droits du salarié lors de sa mise en œuvre.
Une fois établi, afin d’être opposable aux salariés, le règlement intérieur fait l’objet d’une consultation du CSE puis est communiqué à l’inspection du travail en deux exemplaires, le procès-verbal de la réunion au cours de laquelle le CSE a été consulté (C. trav. art. L 1321-4 et R 1321-4) y étant joint. Le règlement intérieur (ou la note de service, le cas échéant) est ensuite déposé au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement (C. trav. art. R 1321-2) puis porté, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès au lieu de travail (C. trav. art. R 1321-1). Une fois que les formalités de dépôt et de publicité ont été respectées, il faut encore attendre un mois avant que les dispositions entrent en vigueur.

Il se justifie par la nature du travail confié au salarié

Avant tout, l’employeur doit identifier les postes à risques et adapter en conséquence les mesures de sécurité à l’égard des salariés concernés. Ainsi, les contrôles aléatoires prévus par le règlement intérieur sont à réserver aux postes pour lesquels un état d’ébriété constitue un danger pour le salarié et/ou les tiers. La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que le salarié a une obligation de sécurité tant envers lui-même qu’envers son entourage (C. trav., art. L. 4122-1). Ainsi, dans une décision du 24 février 2004 (n° 01-47.000), elle rappelle que : « les dispositions d’un règlement intérieur permettant d’établir sur le lieu de travail l’état d’ébriété d’un salarié en recourant à un contrôle de son alcoolémie sont licites dès lors, d’une part, que les modalités de ce contrôle en permettent la contestation, d’autre part, qu’eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, un tel état d’ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, de sorte qu’il peut constituer une faute grave » .
En outre, en cas d’accident commis par un salarié contrôlé positif à l’alcool avec un véhicule d’entreprise, l’assureur de ce dernier refusera d’intervenir. Les répercussions peuvent être très lourdes pour un entrepreneur, alors tenu de prendre à sa charge l’indemnisation des préjudices causés par son salarié.

Il est réalisé par une personne habilitée et en présence d’un tiers

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Prévention des addictions – Les entreprises passent à l’action

« L’environnement professionnel peut favoriser les consommations à risques.”

“Interdiction de l’alcool lors des événements internes (pots, séminaires), non-remboursement de l’alcool sur les notes de frais, témoignages de l’association des Alcooliques anonymes, éthylotests intempestifs sur les postes à risques…” C’est, comme le relève un récent article du Monde, certains des mesures prises par les entreprises pour lutter contre les addictions de leurs salariés.

Lien avec les accidents du travail

Et l’alcool n’est pas seul concerné. Selon la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), en 2021,“chez les actifs occupés, 27 % des hommes et 23 % des femmes fumaient quotidiennement ; 20 % des hommes et 8 % des femmes avaient une consommation dangereuse d’alcool”.
Le mot-clef est ici “dangereuse”. C’est en effet, le danger entraîné par la consommation d’alcools et d’autres substances psychoactives qui justifie la mise en œuvre de politique de prévention portant sur des pratiques longtemps considérées comme relevant d’un choix personnel. “On s’est aperçu que certains accidents, dans nos entrepôts, avaient lieu sous l’emprise de psychotropes. Mais la thématique n’est pas évidente, puisqu’elle peut chambouler la vie d’une personne, souvent dans le déni”, témoigne Alexis Doussot, responsable santé au travail chez Lidl.

Pour une démarche globale

Toutefois, la consommation de substances psychoactives n’est pas seulement une cause des risques professionnels mais aussi un indice, voire une conséquence, de conditions de travail difficiles ou dégradées. “L’addiction, c’est la rencontre entre un produit, un individu et un environnement, souligne Valérie Saintoyant, déléguée de la Mildeca. L’environnement professionnel peut favoriser les consommations à risques.” Pour les experts, la lutte contre les addictions doit donc s’inscrire dans une politique globale d’amélioration des conditions de travail.

Pour aller plus loin https://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/ED/TI-ED-6500/ed6500.pdf

(1) Le Monde, 27/03/24

Addictions en milieu professionnel : tous concernés !

« L’établissement d’un DUERP puis la mise en œuvre et le suivi d’un plan d’actions de prévention ainsi que la rédaction d’un règlement intérieur sont indispensables pour prévenir les risques professionnels liés aux addictions. Les actions de sensibilisation et d’information sont essentielles. »

Le Plan Santé Travail 2021 – 2025, PST4, met en évidence dans son action 5.2 les pratiques addictives. Il a pour objectif de développer les actions de lutte contre les addictions en milieu professionnel. Le PST4 rappelle ceci : Il est essentiel de mieux identifier les addictions et les facteurs susceptibles de les influencer à la fois pour améliorer l’environnement de travail mais aussi pour favoriser le développement d’actions de prévention en entreprise. Les pratiques addictives peuvent avoir des conséquences sur la santé et la sécurité des salariés et également sur la vie de l’entreprise. Certaines conditions de travail peuvent favoriser leur survenue. Malgré tout, notons que le milieu professionnel et l’emploi constitue globalement un facteur protecteur par rapport aux addictions.

Réglementation : Une consommation très encadrée

Réglementation encadrant la consommation d’alcool sur le lieu de travail :

Le Code du travail limite strictement les boissons alcoolisées pouvant être introduites sur le lieu de travail. L’article R. 4228-20 rappelle qu’“aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail. Lorsque la consommation de boissons alcoolisées […] est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur […] prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d’une limitation voire d’une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché.
Par ailleurs, l’article R. 4228-21 du Code du travail précise qu’“il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse”.

Interdiction de la consommation de tabac sur le lieu de travail :

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Focus sur les pratiques addictives en entreprise

Une récente enquête de l’INRS confirme la nécessité, pour les entreprises, de prévenir ce risque pour la santé et la sécurité des salariés.

Quelque 8,6 rencontreraient des difficultés avec % des salariés français l’alcool, et 7 %, soit une augmentation de 2 points par rapport à 2009, avec le cannabis. C’est l’un des enseignements d’une enquête réalisée par l’INRS auprès de 1245 médecins, infirmiers et psychologues exerçant au sein de services de santé au travail (1).

Danger pour la santé et la sécurité

Les substances psychoactives qui posent le plus de problème chez les travailleurs sont l’alcool pour 91 % des répondants, le tabac pour 66 %, le cannabis pour 64 % et enfin les médicaments psychotropes pour 43 %. Les professionnels de santé interrogés soulignent aussi les risques que ces addictions font peser sur la santé et la sécurité des travailleurs concernés mais aussi de leurs collègues, la consommation de ces substances étant généralement contre-indiquées avec certaines activités professionnelles, notamment en raison des graves troubles de l’attention qu’elles peuvent générer.

Facteurs de risques professionnels

Pour les experts, l’entreprise n’a d’autre choix que d’agir pour prévenir les addictions de leurs salariés car des facteurs professionnels (stress, horaires atypiques, tâches répétitives) peuvent y contribuer. “Ces pratiques addictives ont une origine multifactorielle, c’est-à-dire qu’elles sont liées à la vie privée mais aussi à la vie professionnelle. D’où l’importance d’identifier les facteurs qui favorisent ces pratiques au sein de l’entreprise et de mener les actions de prévention adéquates”, explique le Dr Philippe Hache, expert sur les addictions au travail à l’INRS. À cette fin, les entreprises peuvent demander conseil aux services de santé au travail, et se reporter au dossier que le magazine Prevenscope a récemment consacré à la prévention des addictions (2).

(1) “Prévention des pratiques addictives. Enquête auprès des professionnels des services de santé au travail”, consultable sur www.inrs.fr. (2) Ce dossier peut être demandé, au format PDF, à contact@poleprevention.com

De nouvelles ressources pour prévenir les addictions en milieu professionnel

Le 21 octobre dernier, la Mission inter ministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) a officiellement lancé le nouveau dispositif ESPER (les Entreprises et les Services Publics s’Engagent Résolument) destiné à offrir de nouvelles ressources aux employeurs déterminés à lutter contre les addictions en milieu professionnel (1)


Sortir du “tout disciplinaire”


Comme l’explique Patricia Coursault, chargée de mission à la Mildeca, “son objectif est de briser le tabou dont fait encore l’objet l’usage des substances psychoactives au travail” en promouvant une nouvell approche de cette question délicate (2). En effet, un certain consensus s’établit désormais pour affirmer que “la lutte contre les addictions ne peut pas reposer essentiellement sur le seul contrôle, voire le simple dépistage, des comportements à risque”.

Pour une approche globale

L’approche promue par les membres du dispositif ESPER se veut plus collective et globale. Conformément aux démarches de prévention des risques, elle vise à agir en amont en supprimant les facteurs professionnels qui peuvent conduire à l’addiction et en lançant des actions de sensibilisation et de formations des salariés et des managers. “Les actions de formation et de sensibilisation sont tout à fait cruciales. Il faut informer les travailleurs sur les mécanismes qui mènent à l’addiction, sur les liens pouvant exister entre le travail et les conduites addictives et bien évidemment sur les risques pour la santé et la sécurité”, insiste Patricia Coursault. Lire la suite