Selon un rapport de l’Inspection du travail, dans la moitié des entreprises contrôlées après un accident, les risques n’étaient pas réévalués et aucune mesure corrective n’était prise.
Chaque année, plus de 800 personnes meurent en France dans le cadre de leur activité professionnelle. Ce chiffre, publié par l’Assurance-maladie, ne baisse plus depuis des années. Face à ce constat, jugé préoccupant par l’exécutif, une circulaire interministérielle signée fin juin par Astrid Panosyan-Bouvet, et Gérald Darmanin, alors ministre du Travail et ministre de la Justice, est venue donner une nouvelle orientation à la politique publique en matière de santé et sécurité au travail.
Prévention et coercition
Jusqu’ici, la stratégie de l’État reposait avant tout sur la prévention et la sensibilisation des employeurs. Pour le gouvernement, cette approche a montré ses limites. Selon un rapport de l’Inspection du travail, dans la moitié des entreprises contrôlées après un accident, les risques n’étaient pas réévalués et aucune mesure corrective n’était prise. De plus, les sanctions pénales sont rares : en 2023, on a recensé moins de 100 condamnations de personnes morales pour homicide involontaire lié à un accident du travail.
La circulaire cherche donc à utiliser la contrainte comme levier de prévention. Elle prévoit d’élargir la capacité d’action des inspecteurs du travail, qui pourront sanctionner des manquements même en l’absence d’accident. Le recours à la transaction pénale est encouragé, y compris pour des infractions considérées comme mineures.
L’autre volet vise à renforcer la réponse pénale. Aujourd’hui, une grande partie des procès-verbaux transmis par l’inspection du travail n’a pas de suite judiciaire. Pour y remédier, la circulaire appelle à une meilleure coordination entre inspection et parquets, à la cosaisine plus fréquente des enquêtes, et à une attention accrue aux victimes. Des instructions doivent être adressées aux procureurs pour que les responsabilités soient recherchées au-delà de l’employeur direct, en incluant maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre. Les sanctions existantes peuvent déjà atteindre plus de 300 000 euros d’amende pour les personnes morales, mais elles sont rarement appliquées à leur maximum. Pour certains acteurs, leur caractère dissuasif reste limité, en particulier pour les grandes entreprises.
Une tendance de fond
Ce renforcement de la politique pénale s’opère toutefois à droit constant. Pour le gouvernement, c’est le moyen le plus rapide d’agir dans un contexte d’instabilité gouvernementale. En l’absence de consensus parlementaire, la circulaire s’impose comme un outil pragmatique, même si plusieurs observateurs jugent la démarche insuffisante.
Cette orientation pourrait néanmoins être complétée par une initiative législative. Une proposition de loi, inspirée par un collectif de familles de victimes, doit être déposée à l’automne. Elle envisage notamment de proportionner les amendes au chiffre d’affaires, de conditionner l’accès aux marchés publics à des pratiques exemplaires de sécurité, ou encore de créer un parquet spécialisé.
Au-delà de ce texte, se dessine une évolution : la prévention reste un objectif affiché, mais pour le gouvernement elle doit désormais être stimulée par la menace de la sanction.