Les difficultés persistantes des “travailleurs invisibles”

“Les Invisibles travaillent en moyenne 10% moins que les autres actifs, mais gagnent 32 % de moins, et 13 % ne parviennent pas à subvenir à leurs besoins primaires ».

Ils sont agents d’entretien, aides à domicile, caristes, aides-soignants, vigiles, livreurs, éboueurs, caissiers ou encore ouvriers agricoles… Quatre ans après la crise sanitaire du Covid 19, qui avait révélé leur contribution essentielle au fonctionnement de l’économie et de la société, ces 11 millions de « travailleurs invisibles » viennent de faire l’objet d’une étude qui révèle leurs difficiles conditions de travail et de vie.

“Les Invisibles travaillent en moyenne 10% moins que les autres actifs, mais gagnent 32 % de moins, et 13 % ne parviennent pas à subvenir à leurs besoins primaires. À cette vie d’arbitrages et de frustrations s’ajoute une pénibilité professionnelle qui amène seulement un Invisible sur quatre à se sentir en capacité d’exercer son activité jusqu’à la retraite. Ils sont par ailleurs plus nombreux à travailler avec des horaires atypiques et morcelés, et disposent de moins d’autonomie dans l’organisation de leur travail et la gestion de leur temps”, notent les auteurs de l’étude que la fondation Travailler Autrement a récemment consacrée à ces travailleurs de première ligne.

Conditions de travail (et de vie)

Mais l’intérêt de l’étude tient au fait que loin de s’en tenir aux seules conditions de travail de cette population, elle se penche aussi sur leurs conditions de vie. En effet, au-delà de vies professionnelles fortement marquées par la précarité et la pénibilité, ces travailleurs affrontent aussi d’autres contraintes, notamment familiales et territoriales, qui, en se cumulant, aboutissent à “des vies davantage subies que choisies”. Ainsi, “42 % des Invisibles éprouvent des difficultés à conjuguer leur vie professionnelle et le rythme scolaire de leurs enfants, mais ils sont aussi plus nombreux que les autres actifs à s’absenter du travail pour garder leurs enfants, faute de moyens ou de proches disponibles pour s’occuper de leurs enfants.” Enfin, “si chez les Invisibles, la voiture reste le mode de transport le plus utilisé pour se rendre au travail, ils sont moins de la moitié à faire le plein quand ils se rendent à la pompe à essence.

Leurs dépenses mensuelles dédiées aux déplacements sont plus élevées que celles des autres actifs”, notent les auteurs. L’étude alerte aussi sur le facteur amplificateur de difficultés que représente l’explosion des familles monoparentales. “La monoparentalité, souvent subie, agit comme un facteur qui impacte, amplifie et aggrave tous les autres, et complexifie le quotidien. Le foyer, c’est le bâti, le socle, l’ossature, quand celui-ci est sécurisé. Fragile, c’est tout l’édifice de vie des Invisibles qui vacille”.  Or la monoparentalité, est 4 fois plus élevée dans les familles d’Invisibles que chez les autres actifs…

Ce tableau éloquent est d’une grande utilité pour les employeurs qui entendent lancer des actions d’amélioration des conditions de travail. Pour prendre des mesures pertinentes, il est en effet crucial de ne pas faire abstraction des difficultés que rencontrent les travailleurs dans les autres aspects de leur vie.

Pour en savoir plus : une synthèse de l’étude est disponible sur le site de la fondation : www.fondation-travailler-autrement.org.

Prévenir les risques dans les métiers de la beauté

“Les absences consécutives à accident ou maladie sont une plaie pour notre secteur car, dans les métiers du soin et de la beauté, nos clientes créent des liens forts avec nos salariées et sont fort désappointées lorsqu’elles sont absentes. En fait, pour fidéliser sa clientèle, il faut fidéliser ses salariés !”
Jennifer, directrice d’un Institut de beauté

Salons de coiffure, instituts de beauté, salons de manucure… Associés à la beauté, à la détente et à la séduction, ces lieux de travail recèlent pourtant des risques professionnels non négligeables pour les personnes qui y travaillent. La publication d’un nouvel outil TutoPrev’ Accueil (1) dédié aux métiers de la beauté est l’occasion de rappeler que, dans ce secteur comme dans bien d’autres, santé, sécurité et conditions de travail constituent des facteurs déterminant de performance. Retour d’expérience avec Jennifer, directrice d’un institut de beauté.

“Lorsque mes clientes se rendent dans mon institut, c’est pour prendre soin d’elles, passer un moment détente, et se faire du bien. Du coup, on en viendrait presque à oublier que, comme tous les métiers, le nôtre comporte un certain nombre de risques qu’il faut bien sûr réduire le plus possible”, s’exclame Jennifer.

Prise de conscience collective

Âgée d’une petite cinquantaine d’années, cette dynamique patronne d’un institut de beauté de la région d’Aix-en-Provence tient à être exemplaire en termes de santé, sécurité et conditions de travail. “Lorsque j’ai débuté dans le métier, nous étions moins attentifs aux questions de santé et de sécurité professionnelle, mais il y a eu une vraie prise de conscience collective”, argumente-t-elle. Elle-même a eu le déclic il y a une dizaine d’années, lorsque, après avoir changé de fournisseur de produits de beauté, elle a développé une allergie cutanée carabinée… “Depuis, admet-elle, je suis beaucoup attentive aux produits, à leur manipulation et, au-delà, à la prévention de l’ensemble des risques de notre métier.”

Les risques variés des métiers de la beauté

Dans le secteur de la beauté, les fameux “risques du métier” sont en effet plus variés qu’on ne l’imagine généralement. Et leur coût est prohibitif pour les TPE-PME. Comme l’Assurance-Maladie, les accidents du travail et les maladies professionnelles causent, chaque année, la perte de quelque 220000 journées de travail dans le secteur de la coiffure et 40000 dans celui des soins esthétiques.

Les statistiques de la sinistralité permettent de cibler les risques professionnels les plus fréquents. Dans la coiffure, 40 % des accidents sont liés à l’utilisation des outils et 37 % résultent de chute, essentiellement de plainpied, tandis que les maladies professionnelles reconnues sont à 80 % des lombalgies et des troubles musculosquelettiques (TMS) et à 20 % des affections respiratoires et cutanées causées par les substances chimiques, notamment contenues dans les teintures. Selon l’Assurance-Maladie, les accidents dont sont victimes les professionnels du soin esthétiques résultent, quant à eux, à 50 % de chutes et à 40 % de manutentions manuelles. Et la durée moyenne des arrêts de travail est de 57 jours pour les accidents et 182 jours pour les maladies professionnelles !

Lutter contre l’effet ravageur de l’absentéisme

Lire la suite

La qualité de vie au travail un atout à cultiver par les TPE et PME

“Le fondement même de la QVT consiste à s’inspirer de la façon dont le travail est traditionnellement pratiqué et organisé dans les meilleures des petites et moyennes entreprises.”

Et si, au-delà de la seule prévention des risques, les entreprises agissaient pour améliorer la qualité de vie au travail de leurs employés ? Cette proposition repose sur une vérité trop souvent négligée : prêter attention aux besoins humains des salariés en leur permettant de se réaliser dans leur travail est le meilleur moyen, pour l’entreprise, de renforcer d’un même mouvement leur bien-être et l’engagement. Or, contrairement à une idée reçue, ce levier de performance représente un atout naturel des TPE et PME qui devraient davantage le cultiver.

Selon un préjugé tenace, les démarches de QVT seraient peu ou prou réservées aux grandes entreprises qui seules auraient les moyens, financiers et humains, de les mettre en œuvre. Or, rien n’est plus faux car la QVT vise justement à mettre en valeur les atouts que possèdent les entreprises à taille humaine par rapport aux grosses structures nées dans le sillage de la révolution industrielle. Comme le rappelle l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) dans un récent article (1),“on trouve les fondements du concept de qualité de vie au travail (QVT) dans les années cinquante, chez Eric Lansdown Trist, du Tavistock Institute de Londres, dans le cadre de ses recherches révélant les limites du taylorisme : monotonie, déqualification, sentiment d’aliénation, impacts négatifs sur la productivité…”

La QVT représente ainsi une réponse à l’épuisement des préceptes de l’organisation scientifique du travail alors en vogue dans les grandes firmes. Chercheur en psychologie sociale, Eric Lansdown Trist est en effet le cofondateur du mouvement “Qualité de vie professionnelle”, estimant que la performance des organisations dépend avant tout du libre engagement de ses membres. Les préconisations qu’il formule au milieu des années 60 forment un véritable réquisitoire contre le travail déshumanisé qui prévaut alors dans les grandes firmes où le travail a été divisé en une infinité de tâches minuscules ne nécessitant plus aucune initiative ni aucun véritable savoir-faire de la part de celui qui les accomplit. Lire la suite

6 PISTES D’ACTION pour développer la QVT au sein des TPE-PME

  1. Évaluer et prévenir les risques professionnels

    La préservation de la santé et la sécurité des travailleurs constitue bien évidemment un préalable indispensable à toute action de QVT, Sans prévention des risques toute démarche de QVT serait vouée à l’échec. D’ailleurs, depuis la loi Santé au travail d’août dernier, le Code du travail parle de “Qualité de vie au travail et conditions de travail” (QVTCT).

  2. Mieux concilier vie privée et vie professionnelle

    Déjà forte avant la crise sanitaire, cette aspiration des salariés s’est renforcée avec celle-ci. Les travailleurs ne souhaitent pas travailler moins mais mieux articuler le temps consacré à leur travail et le temps consacré à leur famille ou aux loisirs. Horaires flexibles ou introduction d’une dose de télétravail sont des solutions.

  3. Laisser aux salariés des capacités d’initiative

    Les travailleurs heureux sont ceux qui peuvent prendre des initiatives dans l’accomplissement de leurs tâches. Ce pari est gagnant car la quasi-totalité des êtres humains aime le travail bien fait !

  4. Cultiver l’esprit d’équipe

    L’agrément du travail vient aussi de son caractère social. Au travail, chacun doit collaborer avec d’autres. Mais encore faut-il que les membres de l’équipe se soutiennent mutuellement. Des rituels collectifs tels que des pauses ou des repas pris en commun peuvent grandement y aider.

  5. Être à l’écoute et ouvert au dialogue

    Les salariés doivent avoir des occasions de s’exprimer sur leur travail, de donner leur avis, de suggérer des améliorations ou de faire part de leur frustration. Ces possibilités d’expression permettent de déminer les conflits et renforcent l’engagement.

  6. Former ses salariés et leur offrir des perspectives

    Les travailleurs aiment apprendre de nouvelles choses, acquérir de nouvelles compétences, progresser et évoluer. Proposer des formations est une solution surtout si elles débouchent sur de nouvelles responsabilités et des perspectives d’évolution.

PAROLE D‘IPRP

Benjamin Hily : “L’amélioration des conditions de travail permet de renforcer l’attractivité des entreprises

“J’interviens en Haute-Savoie, une région dans laquelle le marché du travail est sous tension parce qu’il subit la concurrence de la Suisse qui propose des salaires très attractifs. En réponse, les chefs d’entreprise s’attachent à améliorer les conditions de travail. Cela se traduit par des parcs automobiles récents et en bon état ou des dotations importantes en équipements de protection individuels (EPI) de qualité. Il y a aussi de vrais efforts sur la flexibilité des horaires de travail. Les entrepreneurs que j’épaule ont ainsi un coup d’avance : ils ont parfaitement compris que la prévention des risques et la Qualité de vie au travail (QVT) sont des avantages concurrentiels essentiels à la compétitivité de leur entreprise. En effet, à salaire équivalent, les ouvriers n’hésitent pas à faire jouer la concurrence pour bénéficier des meilleures conditions de travail. Les entreprises les plus vertueuses en matière de QVT ont clairement moins de difficulté à attirer de nouvelles recrues et à les fidéliser.”

La prévention des risques, puissant levier de performance

« En liant “bien faire” et “bien- être”, les démarches de QVT créent un cycle vertueux dans lequel l’épanouissement des salariés et l’efficacité de l’entreprise se renforcent mutuellement. »

“Souvent perçue comme une contrainte, voire un coût, la prévention peut, si elle est intégrée à la marche de l’entreprise, contribuer à l’amélioration de sa productivité et de sa performance”, souligne la revue Hygiène et sécurité du travail, publiée par l’INRS (1). Pour les experts consultés, la prévention des risques ne permet pas seulement d’éviter les coûts directs et indirects liés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Elle relève, plus globalement, d’une démarche de progrès continu bénéfique à la performance globale de l’entreprise. Voici une synthèse de leurs arguments.

Réduire le coût des indemnisations et cotisations AT-MP.

En évitant les accidents du travail et les maladies professionnelles, les actions de prévention des risques professionnelles permettent de réduire les “dépenses liées aux indemnités journalières, à l’indemnisation des victimes à la suite du sinistre, et celles liées aux soins”. En effet, même mutualisées entre les entreprises d’un secteur professionnel, comme c’est le cas pour les entreprises de moins de 20 salariés, ces dépenses ne sont pas anodines. Chargés de mission TPE-PME à l’INRS, Patrick Laine et Marc Malenfer, soulignent ainsi que “pour l’activité de maçonnerie, le taux de cotisation AT-MP, autour de 8 % de la masse salariale, est comparable à la marge dégagée par l’entreprise”.

Éviter l’absentéisme et la perturbation du fonctionnement.

Toute entreprise sait que lorsque l’un de ses membres est victime d’un accident ou d’une maladie, son fonctionnement est perturbé, ce qui entraîne également des coûts parfois considérables.
“L’arrêt de travail diminue immédiatement la capacité de production de l’entreprise et la prive d’une compétence. Les effets sont immédiats : la désorganisation génère des retards, une baisse d’activité, voire l’impossibilité de réaliser certaines tâches. […] Cette désorganisation va peser sur l’entreprise et l’obliger à recruter en urgence, recourir à l’intérim, accueillir et former les personnes dans la précipitation…”, expliquent Patrick Laine et Marc Malenfer.

Favoriser l’émergence d’une démarche de progrès continu.

Lire la suite