Le numérique devait libérer du temps et fluidifier les échanges. Dans bien des organisations, c’est l’inverse : surcharge d’informations, réunions à rallonge, disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7…

Le Référentiel 2025 de l’Observatoire de l’infobésité et de la collaboration numérique (OICN) met des chiffres sur ce malaise et confirme l’urgence d’agir pour la santé des salariés et la performance des entreprises (1).

LOICN a analysé les usages numériques (courriels réunions, tchat, groupes, fichiers) de 17000 personnes dans des organisations publiques et privées. L’échantillon permet d’objectiver ce que beaucoup vivent déjà : trop de messages, trop de réunions, trop d’interruptions. Les managers et dirigeants de grands groupes sont en première ligne, mais les salariés de TPEPME ne sont pas épargnés.

Un coût caché qui plombe la performance

Chaque semaine, un collaborateur gère en moyenne 157 courriels, un manager 243, un dirigeant 390. Le temps minimal de traitement atteint respectivement 3h22, 7h06 et 11h24. Pour un patron, c’est presque une journée entière absorbée par la seule messagerie.

Ces tâches de coordination et de “rattrapage” sont rarement inscrites dans les fiches de poste, mais pèsent lourd sur la santé mentale et la qualité du travail.
À cela s’ajoute l’explosion des messages internes : près de 80 % des courriels envoyés par les managers restent dans le périmètre de l’entreprise, ce qui entretient des boucles sans fin.
Les courriels ne sont, de surcroît, que la partie visible du problème. La réunion est également un redoutable “aspirateur à temps”. Les dirigeants y consacrent, en moyenne, 36heures et20 minutes par semaine. Au total, il ne leur reste que 24 % de leur temps pour produire en concentration. Pendant ces réunions, le travail multitâche et la dispersion mentale, s’installent : 27 % des courriels des dirigeants sont envoyés alors même qu’ils participent à une réunion. L’allongement et l’empilement des réunions, facilitées par la visio, alimentent la fatigue cognitive.

Chaque semaine, un collaborateur gère en moyenne 157 courriels, un manager 243, un dirigeant 390. Le temps minimal de traitement atteint respectivement 3h22, 7h06 et 11h24. Pour un patron, c’est presque une journée entière absorbée par la seule messagerie.

L’hyperconnexion contre le repos et l’attention

Qu’il s’agisse de répondre “vite fait” après dîner ou d’écrémer sa boîte le dimanche, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle s’estompe : lors de 46 % de leurs week-ends, les dirigeants sont connectés et un manager typique se reconnecte entre 50 et 150 soirs par an, tandis que 9 % des collaborateurs envoient des courriels le soir et 4 % le week-end.
Dix ans après l’inscription du droit à la déconnexion, la norme implicite reste la disponibilité permanente. Résultat : 13 % des collaborateurs expédient plus du tiers de leurs réponses en moins de cinq minutes. Or, c’est un marqueur d’hyperréactivité et d’interruptions constantes. Ces microcoupures répétées accroissent la charge mentale et réduisent le temps de travail profond, pourtant clé pour la qualité et le sens du travail.

Des effets néfastes sur la santé

La surcharge numérique s’additionne à d’autres risques : fatigue visuelle, céphalées, sédentarité, TMS liés au travail prolongé sur écran. En Europe, la posture assise prolongée est désormais un facteur de risque majeur. Sur le plan psychosocial, la complexification du travail, la multiplication des sollicitations et les incivilités numériques (courriels agressifs, relances
mitraillées, etc.) nourrissent stress et “travail empêché”.
Dans toute entreprise, les messages de trop et les réunions mal cadrées ont un coût. Le mimétisme managérial instaure des rythmes intenables : si le patron écrit à 23 heures, l’équipe suivra. Or 73 % des managers ne prennent pas deux semaines complètes de “congés numériques” par an.
Au-delà du confort, l’enjeu est juridique (prévention des risques), économique (productivité, qualité) et humain (fidélisation, marque employeur). Or, des mesures simples produisent des effets rapides.

Un manager typique se reconnecte entre 50 et 150 soirs par an, tandis que 9 % des collaborateurs envoient des courriels le soir. Dix ans après l’inscription du droit à la déconnexion, la norme implicite reste la disponibilité permanente.

Fixer des règles claires et saines

L’infobésité n’est nullement une fatalité et le Référentiel 2025 de l’OICN relève des tendances positives : baisse des envois hors horaires, premiers réflexes de tri des informations, recul du stockage “infini” de fichiers chez les managers et dirigeants. Choisir le bon canal de communication, protéger des plages de concentration et assumer le droit de refuser une réunion inutile sont des pratiques de plus en plus courantes. La solution n’est pas d’ajouter un outil de plus, mais de clarifier des règles simples, visibles et partagées : qui répond à quoi, en combien de temps, sur quel canal ; quand se parle-t-on en synchrone ; quand s’écrit-on en asynchrone ? Adossées à l’exemplarité des dirigeants, ces règles redonnent de l’air aux équipes, restaurent la qualité de l’information et sécurisent la santé au travail. Le numérique redevient alors un levier d’efficacité, pas un bruit de fond.

(1) Le Référentiel 2025 de l’OICN est téléchargeable sur www.infobesite.org