Le retour du salarié sur son lieu de travail après un arrêt maladie peut poser parfois des difficultés, surtout après une longue absence. Il est donc important pour l’employeur d’anticiper ce retour, dans la mesure du possible, en organisant une visite médicale de reprise ou, le cas échéant, de pré-reprise.

Ces visites, qui s’inscrivent dans le cadre du suivi de l’état de santé individuel du salarié, permettent à l’employeur de juger de l’aptitude du salarié à reprendre le travail et d’adapter si besoin le poste aux recommandations du médecin du travail. La loi du 2 août 2021, dite “loi Santé au travail”, est venue réformer plusieurs dispositifs liés au suivi médical des salariés. Les modalités d’application de ces nouvelles règles, qui sont entrées en vigueur le 31 mars 2022, ont été précisées par deux décrets. C’est l’occasion de faire un point sur les nouvelles obligations de l’employeur en matière de visite médicale de reprise et pré-reprise (I) et de leur incidence sur la suspension du contrat (II)

1- Les nouvelles dispositions applicables à la visite médicale de reprise

Depuis le 1er avril 2022, la prévention de la santé des salariés au travail se trouve renforcée par différentes dispositions, que l’arrêt ait ou non une origine professionnelle. La sous-section du Code du travail relative aux visites de pré-reprise et reprise est réintitulée “prévention de la désinsertion professionnelle”.

A – L’accès à la visite de pré-reprise élargi

La visite de pré-reprise est un examen médical effectué par le médecin du travail pendant l’arrêt de travail du salarié.

Qui a l’initiative de la visite médicale de pré-reprise ?
Depuis le 1er avril 2022, la visite de pré-reprise peut être organisée à l’initiative du salarié, du médecin traitant, des services médicaux de l’assurance maladie ou du médecin du travail (C. trav. art. L. 4624-2-4 créé par la loi du 2 août 2021). Avant cette date, cette possibilité n’était pas offerte à ce dernier. L’objectif de la visite médicale de pré-reprise étant de favoriser le maintien dans l’emploi, le médecin du travail peut, à ce titre, recommander au cours de l’examen des aménagements et adaptations du poste de travail, ainsi que des préconisations de reclassement et des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle (C. trav. art. R. 4624-30).

Dans quels délais organiser la visite ?
Avant le 1er avril 2022, la visite de pré-reprise était obligatoirement organisée pour les salariés placés en arrêt de travail pour une durée de plus de 3 mois. Lorsque l’arrêt de travail était d’une durée inférieure à 3 mois, le salarié avait la possibilité de demander, de sa propre initiative, un examen médical auprès du médecin du travail. Cette visite n’avait toutefois pas la nature juridique d’une visite de pré-reprise.
Depuis le 1er avril 2022, la visite de pré-reprise est facultative et s’étend à tout arrêt de travail d’une durée supérieure à 30 jours, dès lors que le retour du travailleur à son poste est anticipé (C. trav. art. L. 4624-2-4 créé par la loi du 2 août 2021). Le raccourcissement du délai dans lequel la visite de pré-reprise peut être passée répond au souci de la prévention de la désinsertion professionnelle.

➤ Selon quel formalisme ?
Désormais, pour les arrêts de travail commencés après le 31 mars 2022, l’employeur est tenu d’informer le salarié de sa possibilité de solliciter l’organisation d’un examen de pré-reprise (C. trav. art. L. 4624-2-4) notamment lors du rendez-vous de liaison, en cas d’arrêt maladie d’origine non-professionnelle (voir ci-après). Il est important de préciser que la visite médicale de pré-reprise ne dispense pas l’employeur d’organiser la visite médicale de reprise, la seule qui permet de mettre fin à la suspension du contrat.

B – Le champ d’application de la visite médicale de reprise restreint


Contrairement à la visite médicale de pré-reprise, la visite médicale de reprise est obligatoire et intervient à l’issue de l’arrêt de travail. Elle a pour but de vérifier si l’état de santé du salarié lui permet de reprendre son poste ou, le cas échéant, étudier les solutions d’aménagements du poste ou de reclassement disponible.

➤ Qui a l’initiative de la visite médicale de reprise ?

L’initiative de la visite médicale de reprise appartient toujours à l’employeur. C’est à lui d’en faire la demande auprès de la médecine du travail dès qu’il a connaissance de la date de reprise du travail de son employé. La visite sera réalisée dans les 8 jours après la reprise du travail par le médecin du travail.
La jurisprudence admet cependant que le salarié puisse également solliciter l’organisation de la visite médicale de reprise auprès de l’employeur ou directement auprès du médecin du travail à condition d’en informer l’employeur au préalable. (Cass. soc 26-01-2011).

➤ Quels sont les salariés concernés par la visite médicale de reprise ?

Jusqu’à présent, quelle que soit la durée de l’absence, une visite médicale de reprise était obligatoire en cas de maladie professionnelle ou de congé maternité. Après au moins 30 jours d’absence, elle devenait obligatoire pour les accidents de travail d’origine professionnelle ainsi que pour la maladie ou l’accident non-professionnels. Depuis le 31 mars 2022, pour tous les arrêts de travail débutant après cette date, les salariés devront bénéficier d’une visite de reprise :

  • après un congé de maternité,
  • après un arrêt du travail pour cause de maladie professionnelle,
  • après un arrêt du travail d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail,
  • après un arrêt du travail d’au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnels.

Les conditions n’ont donc pas changé pour les salariés revenant d’un congé de maternité, d’un arrêt du travail lié à une maladie professionnelle ou à un accident du travail de plus de 30 jours. En revanche, et c’est une nouveauté, pour tout arrêt maladie d’origine non professionnelle, la durée minimale pour passer une visite médicale de reprise passe à 60 jours (au lieu de 30 jours). En dessous de cette durée, le salarié qui ne sera plus couvert par un arrêt maladie devra donc reprendre le travail directement, sans être convoqué devant la médecine du travail.

C – Création d’un rendez-vous de liaison


L’article 27 de la loi du 2 août 2021 a instauré un rendez-vous de liaison pour le salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident d’une durée supérieure à 30 jours. À l’initiative du salarié ou de l’employeur, ce rendez-vous facultatif a pour objet d’informer le salarié, en amont de son retour dans l’entreprise, qu’il peut bénéficier non seulement d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle et de mesures d’adaptations mais aussi de la visite de pré reprise. Le rendez-vous de liaison a semble-t-il pour effet de permettre au salarié qui n’a plus à passer de visite médicale de reprise entre un et deux mois d’arrêt de travail, en cas de maladie ou d’accident d’origine non-professionnelle, de garder le contact avec son employeur sur les modalités de son retour ultérieur dans l’entreprise, au regard de son arrêt maladie. Lorsque c’est l’employeur qui le propose au salarié, ce dernier reste libre de le refuser sans qu’aucune conséquence ne puisse être tirée de ce refus. Ce rendez-vous associe également le service de prévention et de santé au travail.

2 – Les conséquences de la visite médicale de reprise sur la suspension du contrat


La visite médicale devant avoir lieu au plus tard dans un délai de huit jours suivant la reprise effective du travail par le salarié, il est fréquent que l’examen de reprise ait lieu quelques jours après son retour dans l’entreprise. Cela pose la question du statut du salarié entre la fin de son arrêt de travail et la visite médicale de reprise. En effet, le salarié est censé reprendre son travail dès la fin de son arrêt de travail mais, parallèlement, son contrat est juridiquement suspendu jusqu’à la visite de reprise.

Deux situations peuvent se présenter :

A – Le salarié ne reprend pas son poste à l’issue de l’arrêt maladie


L’absence du salarié entre la fin de son arrêt de travail et la visite médicale de reprise n’est pas en soi fautive, dans la mesure où le contrat est encore suspendu jusqu’à la visite médicale de reprise.
Plus précisément, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés, ne peut laisser un salarié reprendre son travail après une longue période d’absence sans avoir au préalable apprécié son aptitude à reprendre son emploi. Ainsi, tant que la visite de reprise n’a pas eu lieu, le salarié n’est pas tenu de venir travailler et son absence n’est donc pas fautive.
L’employeur ne peut donc licencier un salarié qui n’est pas revenu dans l’entreprise à la suite de son arrêt de travail si la visite médicale n’a pas été organisée. Un tel licenciement serait sans cause réelle et sérieuse. (Cass. soc. 22 févr. 2017, n° 15-22.378). Toutefois, il peut en aller différemment si l’employeur met en demeure le salarié de justifier son absence et que celui-ci ne se manifeste pas. Dans ce cas, le salarié n’ayant pas informé l’employeur de son intention de reprendre le travail ou n’ayant pas adressé de justificatifs d’absence malgré une mise en demeure, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir organisé la visite de reprise. L’absence injustifiée du salarié peut ainsi constituer une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. (Cass. soc. 13 janv. 2021, n° 19-10.437). Il est donc important pour l’employeur de ne pas se précipiter dans un licenciement pour abandon de poste sans avoir au préalable mis en demeure le salarié de justifier de son absence.

B – Le salarié reprend son poste avant la visite médicale de reprise


Le salarié qui reprend son travail dans l’attente de la visite médicale de reprise reste soumis au pouvoir disciplinaire de l’employeur. (Cass. soc. 16 nov. 2005, n° 03-45.000). C’est pourquoi l’employeur peut sanctionner un salarié qui aurait commis une faute pendant le délai de huit jours durant lequel la prestation de travail peut être exécutée sans que la visite de reprise ne
soit effectuée. Un licenciement pour faute peut être envisagé en cas d’abandon de poste dans les huit jours, en l’absence d’élément médical justifiant que le salarié n’a pas été en état de tenir son poste ou qu’il a été obligé de cesser sa prestation de travail en raison de son état de santé (Cass. Soc., 17 oct. 2012, n° 11-22.287).
Toutefois il est préconisé, dans la mesure du possible, de faire passer la visite de reprise dès le premier jour du retour du salarié. Il peut en effet être dangereux de laisser le salarié travailler avant la visite de reprise car la responsabilité de l’employeur pourrait être mise en cause pour violation de l’obligation de sécurité. De plus, le fait pour l’employeur de ne pas organiser la visite médicale dans les délais constitue un manquement grave qui justifie la prise d’acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeur.
Enfin, l’absence d’organisation de la visite médicale tout comme la convocation tardive à la visite médicale de reprise causent nécessairement un préjudice ouvrant droit à des dommages et intérêts au profit du salarié.

Tatiana Naounou – Juriste TUTOR – Groupe Pôle Prévention

Extrait du bulletin mensuel de veille et d’analyse juridique de Pôle Prévention

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