« Un climat d’insécurité génère toujours une dégradation du climat social et empêche les salariés de développer leur potentiel. Il plombe l’enthousiasme et la motivation, entrave la créativité, accroît l’absentéisme et amoindrit la loyauté envers l’entreprise et envers les clients… »

Chauffeurs de bus, enseignants, médecins, guichetiers d’agences bancaire, téléopérateurs, commerçants, caissières de supermarché, releveurs de compteur, livreurs, agents d’entretien, réparateurs, etc. Les travailleurs en contact avec le public sont de plus en plus nombreux à subir des actes de violences de la part de clients, d’usagers ou de patients. Face à ce vent mauvais, entreprises et administrations peuvent – et même doivent – prendre des mesures pour protéger la santé physique et mentale de leurs employés.

Le constat est hélas largement partagé selon un récent sondage de l’Institut: Elabe, “77 % des Français font le constat d’une société de plus en plus violente” et 60 % déclarent se sentir souvent (17 %) ou de temps en temps (43 %) “inquiets pour leur propre sécurité”. Or, cette montée de la violence n’épargne évidemment pas le monde du travail, de nombreux travailleurs étant exposés à ce que l’on appelle les “violences externes”. En 2010, 15 % des salariés du régime général et 23,5 % des salariés de la fonction publique déclaraient avoir subi au moins une agression verbale au cours des douze derniers mois. Et ils étaient respectivement 2 % et 4 % à signaler avoir été victime d’au moins une agression physique durant la même période. Or, chacun sait que la situation est très loin de s’être améliorée depuis…

Une grande variété de violences

Pour cerner l’ampleur du phénomène, il faut d’abord bien comprendre que les violences externes ne sont pas constituées des seuls actes criminels. Comme le souligne l’INRS, elles comprennent en effet l’ensemble des “insultes, menaces, agressions physiques ou psychologiques, exercées contre une personne sur son lieu de travail, par des personnes extérieures à l’entreprise, y compris des clients et qui mettent en péril sa santé, sa sécurité ou son bien-être”.
Les violences externes ne se limitent donc nullement aux actes pouvant donner lieu à des poursuites pénales. Ainsi, un employé de service après-vente régulièrement exposé à la colère des clients qu’il gère est incontestablement victime de violences externes, même si l’agressivité de ceux-ci relève de la simple grossièreté et ne les expose pas à des poursuites.

De multiples facteurs de risque

Pour identifier les causes de l’explosion des violences externes, l’INRS évoque plusieurs facteurs de risque. Il pointe ainsi des causes économiques et sociales, comme la précarité de certains publics et des causes socioculturelles comme “l’évolution des codes du savoir-vivre ensemble”. “Les manières de parler, d’interpeller l’autre, de se comporter avec lui… divergent selon les valeurs, les codes culturels et les modes d’éducation de chacun”, observent les experts.

Mais il faut aussi compter avec des facteurs liés à l’organisation de l’entreprise ou à la gestion de la relation avec les clients ou les usagers. Ainsi, des produits ou services ne correspondant pas aux attentes du client ou délivrés avec retard démultiplient bien évidemment les occasions de tensions.

Obligation d’évaluation et de prévention

Toutefois, quelle que soit la cause des violences, toutes doivent faire l’objet d’actions d’évaluation et de prévention.
Comme le soulignent les Caisses d’assurance retraite et santé au travail (CARSAT), “les violences externes sont un risque professionnel au même titre que les autres”. Ainsi, “les risques d’agression identifiés dans chaque unité ou poste de travail et les mesures de prévention associées doivent être traités dans le document unique de prévention des risques professionnels (DUERP).
Cette démarche n’est pas de pure forme car, contrairement à une idée reçue, les violences externes ne constituent nullement une fatalité. Une fois les risques correctement évalués et analysés, il est tout à fait possible de prendre des mesures permettant de réduire significativement les violences (voir encadré ci-contre) et leur impact sur la santé des travailleurs et le bon fonctionnement des entreprises

Conséquences des violences sur la santé des salariés

En effet, les actes de violence physique ou verbale ont des conséquences délétères sur la santé des salariés. “La santé physique et psychologique peut être gravement altérée, de manière immédiate mais également à moyen terme par des effets différés. Lésions corporelles, traumatismes et souffrances psychiques peuvent conduire à des réactions de stress aigu et post-traumatique”, précise l’INRS.
Le point clef à comprendre est qu’il n’y a pas de petites agressions. En effet, la multiplication des micro-agressions peut également affecter la santé des travailleurs et avoir des conséquences telles que l’anxiété, les troubles du sommeil et du comportement, la dépression, etc. Toutes les agressions doivent donc être recensées, y compris celles qui paraissent banales ou bénignes.

Des coûts directs et indirects prohibitifs

Les violences répétées ont également des effets très néfastes sur le fonctionnement et la performance de l’entreprise. En effet, au-delà des coûts directs induits par les arrêts de travail, le remplacement du personnel et l’éventuelle réparation des dégâts matériels, il faut également prendre en compte des effets indirects potentiellement très néfastes. “Un climat d’insécurité génère toujours une dégradation du climat social.et empêche les salariés de développer leur potentiel. Il plombe l’enthousiasme et la motivation, entrave la créativité, accroît l’absentéisme et amoindrit la loyauté envers l’entreprise et envers les clients, conduisant ainsi à une dégradation de la qualité du service”, explique Philippe Mège, directeur technique chez Pôle Prévention.
Enfin un dernier point doit être souligné : les violences récurrentes émanant de clients sont fréquemment des signaux qui alertent sur l’existence de dysfonctionnements : mauvaise qualité de service, délais non respectés, etc. Si bien que, dans ce cas, la meilleure des préventions consiste à améliorer l’organisation de l’entreprise de
façon à améliorer la qualité des services rendus aux clients. On ne saurait mieux souligner qu’en matière de violences comme en bien d’autres, la prévention des risques s’inscrit dans une démarche de progrès continu très bénéfique à la performance de l’entreprise.

Pour aller plus loin :
“Travailler en contact avec le public. Quelles actions contre les violences ?”, brochure INRS ED 6201, juin 2024, librement téléchargeable sur www.inrs.fr