“Pour les entreprises de moins de 20 salariés, une augmentation de 10 % de la fréquence des accidents du travail conduit à une diminution de 0,38 % de la productivité et de 0,24 % du profit.
Après avoir analysé les données de près de 2 millions d’entreprises françaises sur une période de 15 ans, des chercheurs en économie de l’INRS et de l’Université de Lorraine ont démontré, dans une récente étude (1) qu’une fréquence plus forte des accidents de travail est associée à une baisse de la performance économique de l’entreprise.
De nombreuses études ont déjà été consacrées au lien existant entre prévention des risques professionnels et performance économique des entreprises. Certaines de ces études ont mis en évidence les coûts directs et indirects prohibitifs que doivent supporter les entreprises en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. D’autres se sont attachées à montrer le rapport coût/bénéfices très favorable des investissements réalisés dans la prévention des risques. Comme l’explique Bertrand Delecroix, coauteur de la nouvelle étude réalisée par l’INRS, “celle-ci ne s’inscrit pas dans ces registres, mais adopte une méthodologie économétrique”.
2 millions d’entreprises de tous secteurs analysées
Concrètement, les auteurs ont étudié quelque 1,977 million d’entreprises françaises dépendant du régime général et appartenant à 83 branches professionnelles sur une période courant de 2003 à 2017 en croisant des données issues de la Caisse nationale d’Assurance Maladie et de l’Insee. De la sorte, ils ont pu créer un modèle économétrique inédit, reliant des indicateurs de performance économique (productivité, profit), des facteurs de production (capital, travail). et des variables de sinistralité (fréquence et gravité des accidents de travail).
Fort impact des accidents du travail sur la performance économique
Cette méthode s’est révélée riche en enseignements. Le principal est que les accidents du travail ont bel et bien un impact significativement négatif sur la performance économique des entreprises. “Une augmentation de 10 % de la fréquence des accidents du travail diminue la productivité de l’entreprise de 0,12 % et son profit de 0,11 % au cours de la même année. Et cet effet est encore très présent l’année suivante”, relève Bertrand Delecroix.
Les TPE davantage exposées
De surcroît, cet impact varie très fortement en fonction de la taille des entreprises concernées. Pour les entreprises de moins de 20 salariés, cette augmentation de 10 % de la fréquence des accidents du travail conduit à une diminution de 0,38 % de la productivité et de 0,24 % du profit. “Quelle que soit la taille de l’entreprise, un accident du travail vient perturber la production et par là réduire la productivité.
Mais cet effet est d’autant plus important pour les petites entreprises qui sont plus contraintes en personnel et matériel pour faire rapidement face à la désorganisation provoquée par l’AT”, explique Bertrand Delecroix. Or, comme le soulignait le Plan santé au travail élaboré pour les années 2021 à 2024, une part trop importante des accidents du travail intervient dans ces structures.
L’effet ravageur des petits accidents
Enfin, l’étude met en évidence que la fréquence des accidents de travail influe davantage sur la performance économique de l’entreprise que leur gravité. “On observe que la production est plus perturbée par un grand nombre d’arrêts de travail courts que par un petit nombre d’arrêts de travail longs, souligne Bertrand Delecroix. Cela s’explique par le fait que la survenue d’un AT se traduit par un coût immédiat élevé pour l’entreprise qui doit gérer l’événement et apporter une réponse rapide à la désorganisation. Mais ce coût diminue avec le temps car l’entreprise s’adapte pour absorber l’absence du salarié sur une durée plus longue.”
La prévention, levier de bonne gestion
Après d’autres études, celle-ci vient donc confirmer que, loin de représenter un coût ou une contrainte, les actions de prévention constituent, pour les entreprises, un beau levier de performance.
(1) “La prévention des risques: un atout pour la performance de l’entreprise”, par Balla Khouma, Bertrand Delecroix et Christian Trontin, septembre 2023, consultable sur www.inrs.fr