Les accidents du travail affectent considérablement les résultats économiques de toutes les entreprises concernées, ils ont des effets encore plus ravageurs sur les entreprises de moins de vingt salariés.

Les mauvaises conditions de travail constituent une menace pour la santé publique et toute l’économie, affectant au passage la productivité et les comptes sociaux”, alerte un récent dossier du quotidien Le Monde qui liste une série d’indicateurs inquiétants (1). Maëlezig Bigi, chercheuse affiliée au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), rappelle ainsi que “le coût des mauvaises conditions de travail sur le financement de la branche accidents du travail-maladies professionnelles de l’Assurance-maladie est de 11,7 milliards d’euros pour les prestations nettes”. Or, cette facture risque de grimper encore car la tendance n’est pas bonne : le montant des indemnités journalières pour maladie et par salarié a augmenté de 12 % en dix ans, selon la Caisse nationale d’assurance-maladie. Ces chiffres révèlent une triste réalité : après avoir baissé d’un tiers entre 1950 et 2010, les accidents du travail stagnent autour de 650 000 par an.
Ce constat ne doit toutefois surtout pas déboucher sur un quelconque fatalisme. À l’instar de nombreux experts, Philippe Mège, directeur technique chez Pôle Prévention, estime en effet que ces chiffres agissent
comme un trompe-l’œil : “Les entreprises qui s’engagent dans une démarche continue de prévention des risques et d’amélioration des conditions de travail obtiennent de vrais résultats, mais leurs progrès sont maqués, au niveau national, par les entreprises qui restent en marge de cette dynamique. Derrière la moyenne nationale, il y a une grande diversité de situation”.
Des progrès peuvent donc encore être accomplis. Dans le quatrième Plan Santé au Travail (PST 4), le ministère du Travail estimait “qu’un effort particulier doit être mené en direction des TPE dans la mise en œuvre des mesures de prévention car les accidents du travail graves et mortels des entreprises de moins de 20 salariés représentent 26 % des accidents enregistrés pour l’ensemble des entreprises alors que la population salariée des TPE représente 18 % de l’ensemble” (2)  C’est regrettable car, comme le démontre une nouvelle étude réalisée par l’INRS, si les accidents du travail affectent considérablement les résultats économiques de toutes les entreprises concernées, ils ont des effets encore plus ravageurs sur les entreprises de moins de vingt salariés (voir dossier pages 2 et 3).
Mais pour convaincre celles-ci de s’investir davantage dans la santé et la sécurité au travail, cette étude ne suffira évidemment pas : encore faut-il comprendre les motifs de leur retard ! Directeur général du cabinet BDO RH, Xavier Bontoux pointe la complexité des lois et règlements auxquels ces entreprises sont assujetties : “Les employeurs se perdent dans l’ensemble de leurs obligations” (3). Résultat : plutôt que d’être considérée comme un levier de performance, la prévention est vue comme une contrainte administrative de plus.
Pour résoudre ce gâchis économique et humain, l’incantation ne donnerait évidemment pas davantage de résultats que l’aggravation des sanctions réclamées par certains. La seule et unique solution consiste à apporter à un nombre toujours plus grand de TPE les conseils et ressources dont elles ont besoin pour s’engager sereinement dans une démarche de progrès. C’est en tout cas le beau défi que nous sommes déterminés relever avec vous en 2024 !

Le Monde, 10/12/23. (2) Le PST 4 est consultable sur travail-emploi.gouv.fr. (3) Les Échos, 23/10/23.