Les employés semblent la catégorie la moins informée (32 %), assez loin derrière les cadres (41 %) et les ouvriers (47 %)
L’employeur est tenu d’informer ses salariés de leurs risques professionnels et de mettre en place des dispositifs de prévention. Comment ces obligations se traduisent-elles dans les pratiques ? Qui sont les salariés les mieux informés sur les risques professionnels ? Par quels moyens et grâce à quels acteurs en sont-ils informés ? Pour répondre à ces questions, les experts de la Dares (Ministère du travail) se sont plongés dans les données de l’enquête Conditions de Travail de 2019. Les résultats recueillis tendent hélas à démontrer que de nombreux salariés français ne sont pas suffisamment informés des risques auxquels ils sont exposés dans l’exercice de leur métier. Voici les principaux enseignements de cette étude.
1) Une information déficiente, y compris pour les salariés exposés à des risques élevés.
Le Code du travail précise que l’information des travailleurs sur les risques professionnels qu’ils encourent fait partie des obligations qui incombent aux employeurs. Mais, selon la Dares, d nombreux progrès peuvent encore être accomplis en la matière.
Ainsi, « en 2019, parmi les salariés du secteur privé travaillant dans des établissements d’au moins 10 salariés, 43 % déclarent avoir été informés, au cours des douze derniers mois précédents, des risques professionnels auxquels ils peuvent être exposés dans l’exercice de leur travail. » Or, parmi eux, plus de la moitié est pourtant exposée à plus de cinq facteurs de pénibilité physique au travail*.
Et ce défaut d’information concerne hélas aussi les salariés exerçant des activités professionnelles fortement exposées. Les experts relèvent ainsi que « si les salariés connaissant une exposition “très élevée” aux risques physiques reçoivent plus souvent une telle information, cela n’en concerne cependant qu’un peu plus de la moitié (52 %) ».
De même, les salariés exposés à un nombre « élevé » de facteurs de pénibilité physique ne sont pas plus fréquemment informés que les salariés « modérément ou peu exposés » (40 %).
En termes de catégories socioprofessionnelles, « les employés semblent représenter la catégorie la moins informée (32 %), assez loin derrière les cadres et professions intermédiaires sans activité d’encadrement (respectivement 41 % et 45 %), et les ouvriers (47 %). »
2) L’employeur, premier vecteur d’information sur les risques
La quasi-totalité des salariés qui affirment être informés des risques professionnels liés à leur activité déclarent l’être avant tout par leur employeur (ou des experts extérieurs intervenant à sa demande). 92,7 % des salariés ayant reçu des informations sur les risques professionnels au cours des 12 derniers mois, les ont reçues, au moins en partie, de leur employeur.
Les autres sources d’information arrivent loin derrière avec 38,5 % de salariés qui se disent informés par les élus du personnel ou les délégués syndicaux, 31,4 % par la médecine du travail et 29,7 % par les collègues. Comme le souligne l’étude,« ce constat est cohérent avec le cadre légal prévu par le Code du travail, puisque l’employeur a la responsabilité de veiller à la santé et à la sécurité de ses travailleurs, en mettant en place des actions de prévention, d’information, de formation et d’évaluation des risques ».
Les auteurs s’interrogent sur le faible score recueilli par la médecine du travail alors qu’« en assurant des visites médicales régulières, le médecin du travail (ou de prévention) occupe, une place privilégiée d’observateur et d’informateur ». Pour expliquer ce paradoxe, ils rappellent que cette tâche est accomplie « dans un contexte de réduction du nombre des médecins du travail ».
3) Le document unique inconnu de nombreux salariés
Le Code du travail prévoit que les employeurs doivent réaliser un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et le mettre à disposition des salariés. Cependant, en 2019, 59 % des salariés déclarent ne pas avoir eu connaissance de l’existence d’un tel document dans leur établissement et c’est également le cas de 57 % des salariés les plus exposés aux risques physiques. Cela ne signifie toutefois pas nécessairement que le document unique n’a pas été mis à disposition des salariés. En effet, “36 % des salariés déclarent ne pas avoir connaissance du DUERP alors que leur employeur affirme le diffuser à l’ensemble du personnel”. Une meilleure communication du document unique aux salariés est cependant sûrement possible car présence de délégués syndicaux, ou celle de CHSCT ou de CSSCT est positivement corrélée à la diffusion du DUERP. Selon la Dares, “environ un tiers des salariés couverts par un CHSCT (ou une CSSCT) ou par des délégués syndicaux déclare connaître le DUERP diffusé par l’employeur; c’est le cas d’un quart des salariés ne disposant que d’instances représentatives du personnel (IRP) élues sur le lieu de travail, et de moins d’un sur cinq en l’absence de toute représentation du personnel.”
Du déficit d’information aux lacunes de prévention
Sans surprise, ces lacunes d’information des salariés vont souvent de pair avec des lacunes dans la prévention proprement dite. Comme le rappelle l’étude de la Dares, « suite à l’évaluation des risques professionnels auxquels peuvent être exposés ses salariés, l’employeur doit mettre en œuvre des actions de prévention, telles que des formations à la sécurité ou des consignes de sécurité ».
Or, seuls 35 % des salariés déclarent avoir suivi une formation à la sécurité dispensée par l’entreprise au cours des 12 derniers mois. Et cette proportion n’atteint que 44 % lorsque les salariés cumulent plus de 10 facteurs de pénibilité physique* dans leur travail. De même, seuls 45 % des salariés exposés de manière « élevée » et 41 % de ceux exposés de manière « très élevée » aux facteurs de pénibilité physique déclarent disposer de consignes de sécurité intégralement applicables.
La situation est meilleure en matière de mise à disposition d’équipements de protection individuelle. Parmi les salariés les plus exposés, 81 % déclarent disposer d’EPI en quantité suffisante.
Preuve qu’il reste toutefois des marges de progrès : 16% des salariés les plus exposés déclarent « manquer d’équipements » et 3 % « ne pas en avoir besoin ».
* Les facteurs de pénibilités recensés par la Dares ne se limitent pas aux 6 facteurs pris en compte par le Compte professionnel de prévention (C2P).