« Prévenir le risque routier, ce n’est pas seulement remplir une obligation réglementaire ou se prémunir contre des poursuites judiciaires. C’est aussi protéger le capital humain de l’entreprise, réduire l’absentéisme, mieux organiser les déplacements et faire des choix logistiques plus efficaces. »
À l’occasion des Journées de la sécurité routière au travail, organisées du 2 au 16 mai 2025, les entreprises ont été invitées à se mobiliser pour prévenir un risque encore trop souvent sous-estimé : les accidents de la route liés à l’activité professionnelle. Cet événement a aussi été l’occasion, pour les pouvoirs publics, de rappeler les obligations et les actions concrètes à mettre en œuvre par les employeurs pour protéger leurs salariés sur la route.
Rares sont les entreprises qui échappent au risque routier. En effet, au-delà des chauffeurs professionnels, ce risque concerne tous les salariés amenés à prendre la route dans le cadre de leurs fonctions : les commerciaux, les techniciens itinérants, les artisans, les consultants, etc. Or, ces derniers sont souvent beaucoup moins bien sensibilisés au risque routier. En effet, en raison de la généralisation de l’usage de la voiture à titre privé – plus de 80 % des Français de plus de 18 ans possèdent le permis de conduire – le risque routier est souvent banalisé, voire ignoré, par les employeurs et les salariés eux-mêmes.
La première cause de mortalité au travail
Pourtant, en France comme dans beaucoup d’autres pays, le risque routier professionnel représente la première cause de mortalité au travail. En 2022, 454 travailleurs français ont perdu la vie sur la route lors d’un trajet lié à leur activité professionnelle, soit un accident mortel tous les jours ouvrés. Et à ces drames s’ajoutent plus de 4 000 accidents de mission reconnus chaque année comme accidents du travail. Si bien que le risque routier professionnel représente, chaque année, près de 4 millions de journées de travail perdues !
Or ce risque est tout sauf une fatalité. La mise en œuvre de mesures simples et de bon sens permet de le réduire considérablement.
Éviter les déplacements inutiles
La mesure phare de toute démarche de prévention consiste à s’interroger sur la nécessité des déplacements professionnels. Grâce aux outils numériques désormais largement disponibles (visioconférences, échanges de documents partagés, téléassistance…), de nombreuses réunions ou interventions peuvent en effet être réalisées à distance, réduisant d’autant les risques routiers et les coûts associés.
Certaines entreprises ont revu leur organisation en profondeur pour intégrer ces alternatives dans leurs pratiques. Cela permet de limiter la fatigue des salariés, de mieux concilier vie professionnelle et personnelle, et d’optimiser les ressources logistiques. Dans les structures de petite taille, cette approche peut également représenter un gain de temps et une réduction sensible des frais de mission.
Mieux organiser les déplacements
Lorsqu’un déplacement est nécessaire, son organisation doit être pensée avec rigueur. Cela commence par la planification des itinéraires, la limitation des durées de conduite (par exemple 5 heures maximum par jour), l’intégration de pauses régulières (au moins 10 minutes toutes les deux heures), et l’évitement des plages horaires à risque (tôt le matin ou tard le soir). La coordination entre les services, la prise en compte des aléas (météo, trafic, etc.) et l’ajustement des délais avec les clients ou fournisseurs sont également essentiels. Certaines entreprises choisissent de fixer des règles claires : ne pas effectuer de rendez-vous après 17 heures s’il y a plus d’une heure de route retour, ou ne pas autoriser plus de 400 km par jour. Un trajet bien anticipé réduit le stress, la vitesse excessive et la tentation de prendre des risques sur la route.
Utiliser des véhicules adaptés et bien entretenus
Le choix des véhicules professionnels ne doit pas être dicté uniquement par le prix ou la disponibilité. Le véhicule est un outil de travail : il doit être en bon état de fonctionnement, adapté à la mission (transport de personnes ou de matériel) et équipé des systèmes de sécurité modernes (ABS, airbags, limiteur de vitesse, climatisation…). Une maintenance régulière doit être assurée, même dans les petites structures, avec des procédures claires de signalement des dysfonctionnements : un carnet de transmission, par exemple. L’arrimage des charges, souvent négligé, est également un point critique : un objet mal fixé peut se transformer en projectile mortel en cas de choc, même à faible vitesse. Dans les véhicules utilitaires, il est aussi essentiel de séparer la zone de chargement de l’habitacle. Certaines entreprises optent pour la location longue durée pour garantir un bon niveau d’équipement et un suivi d’entretien régulier.
Former et sensibiliser les salariés
La formation à la conduite professionnelle ne se limite pas à l’apprentissage du Code de la route. Elle doit être adaptée aux conditions réelles de travail des salariés : conduite de véhicules utilitaires, longs trajets, conduite de nuit, conditions météorologiques dégradées, etc. Des modules spécifiques peuvent porter sur l’arrimage des charges ou encore les premiers secours. En parallèle, une sensibilisation régulière aux enjeux de sécurité routière (via des affiches, newsletters, réunions d’équipe) permet d’ancrer une culture de prévention. Certaines entreprises rendent cette formation obligatoire dès l’embauche pour les postes itinérants. Une entreprise qui forme ses salariés montre qu’elle se soucie de leur sécurité, ce qui renforce aussi la motivation, la fidélisation et l’engagement collectif autour des enjeux de prévention.
Proscrire l’usage du téléphone au volant
L’usage du téléphone au volant est devenu une cause majeure d’accidents. Même avec un kit mains libres, le conducteur voit son attention réduite de façon significative. C’est pourquoi il est indispensable de formaliser un protocole de communication : aucune prise d’appel ou de message pendant la conduite, redirection des appels vers la messagerie, rappels uniquement lors des pauses prévues. Certaines entreprises vont plus loin en intégrant ces consignes dans les tournées (créneaux prévus pour rappeler les clients, messages d’attente informant du rappel différé). Ces règles doivent être connues, acceptées et respectées, au même titre que le port de la ceinture ou l’interdiction de fumer dans les véhicules. Un accident lié à un appel peut engager directement la responsabilité de l’employeur si aucune règle n’avait été fixée. Une politique claire, expliquée et répétée permet de lever toute ambiguïté.
Une démarche bénéfique
Prévenir le risque routier, ce n’est pas seulement remplir une obligation réglementaire ou se prémunir contre des poursuites judiciaires. C’est aussi protéger le capital humain de l’entreprise, réduire l’absentéisme, mieux organiser les déplacements et faire des choix logistiques plus efficaces. En somme, une démarche de prévention bien menée améliore à la fois la sécurité des salariés et la performance globale de l’entreprise.
Les 10 conseils de l’INRS pour bien prévenir le risque routier professionnel
- Évaluer le risque routier dans le DUERP.
- Éviter les déplacements inutiles grâce aux outils numériques.
- Choisir le mode de transport le plus sûr selon la distance et la mission.
- Limiter la durée des trajets (kilométrage, pauses, horaires).
- Adapter les véhicules aux besoins (type, charge, sécurité).
- Assurer un bon entretien des véhicules, avec remontées d’alerte organisées.
- Former les salariés à la conduite professionnelle, à l’arrimage et aux premiers secours.
- Interdire l’usage du téléphone au volant et organiser un protocole clair en ce sens.
- Sensibiliser régulièrement les salariés aux dangers de la route.
- Impliquer les partenaires (clients, fournisseurs) pour adapter les délais et modalités de livraison.