« Le risque routier constitue un risque professionnel à part entière, y compris pour les travailleurs qui, sans être employés en tant que chauffeurs, empruntent quand même la route dans le cadre de leur travail »

Depuis dix ans, l’assureur MMA confie à l’IFOP une enquête sur les habitudes de conduite des actifs. Publiée il y a quelques semaines, la dernière édition démontre, hélas, que les comportements à risque ont fortement augmenté au cours de la dernière décennie, notamment en raison de l’usage de plus en plus fréquent du téléphone au volant. Loin de tout fatalisme, un consensus s’établit toutefois sur la nécessité, pour les entreprises, de mieux sensibiliser leurs collaborateurs au risque routier et de promouvoir les bonnes pratiques.

“En 2022, 485 personnes sont mortes sur les routes lors d’un déplacement professionnel, dont 345 lors d’un trajet domicile-travail et 140 lors d’un trajet professionnel, faisant de la route la première cause d’accident mortel professionnel”, rappellent les experts de MMA. Mais cette réalité est très largement méconnue : seuls 28 % des actifs savent que le risque routier est la première cause d’accidents mortels au travail. Or, cette méconnaissance favorise certainement la persistance voire l’essor de nouveaux comportements à risque.

Le téléphone portable, nouvel ennemi de la sécurité

À mesure que son usage s’est répandu dans la population, le smartphone est devenu l’un des pires cauchemars des professionnels de la sécurité routière. En 2015, 73 % des actifs déclaraient déjà recevoir des appels téléphoniques au volant pendant leur travail. Ils sont désormais 80 % dans ce cas. De même, alors que 60 % admettaient passer des appels, ils sont maintenant 74 % à le faire. Plus inquiétant encore, selon l’enquête, “57 % des actifs déclarent lire des SMS au volant (+4 points) et 48 % en envoyer (+6 points)”. Et les autres usages comme la consultation d’une application, d’un site internet, d’un mail ou l’utilisation des réseaux sociaux, ont également progressé à mesure que le perfectionnement des téléphones portables a permis un accès plus aisé à internet. Or, rien de tout cela n’est anodin. Selon la Sécurité routière, lire un message sur son téléphone en conduisant oblige le conducteur à quitter la route des yeux en moyenne pendant 5 secondes et multiplie par 23 le risque d’accident !

Vitesse, somnolence, alcool : persistance des vieux risques

Et, bien évidemment, ces pratiques dangereuses s’ajoutent aux anciens comportements à risque qui, loin d’avoir disparu, connaissent même, pour certains, un regain. Ainsi, la proportion de professionnels reconnaissant rouler “parfois” ou “souvent” au-dessus de la vitesse autorisée a augmenté de 5 points en dix ans pour s’établir aujourd’hui à 41 %.
Autre risque en augmentation : la somnolence au volant. 80 % des actifs déclarent avoir déjà conduit en étant fatigué sur un trajet professionnel. 66 % ont conduit en étant très fatigués, 60 % plus de 2 heures sans faire de pause et 33 % ont déjà somnolé au volant. En revanche, la proportion de travailleurs ayant pris le volant après avoir consommé plus de 2 verres d’alcool reste stable à 15 %.

Trop peu d’actions de prévention

Face à cette dégradation des comportements, les actions de prévention des entreprises apparaissent bien timides. À en croire l’étude de MMA, “42 % des actifs disent que les actions mises en place par leur entreprise en termes de prévention des risques routiers sont inexistantes (+ 3 points vs 2015), 35 % rares (+3 points) et 23 % régulières (-6 points)”. Résultat : moins d’un quart des travailleurs a déjà suivi une formation de sensibilisation aux risques routiers.
Pourtant, une forte proportion de travailleurs est favorable à un surcroît d’engagement des entreprises : 32 % aimeraient la mise en place de formations de sensibilisation aux risques routiers, 30 % l’organisation d’une journée sécurité routière, 27 % l’instauration d’une charte de bonnes pratiques au volant, et 23 % la diffusion de messages de sensibilisation aux risques routiers ou d’outils pédagogiques sur la conduite.

Un risque professionnel à part entière

Pourtant, le risque routier constitue un risque professionnel à part entière, y compris pour les travailleurs qui, sans être employés en tant que chauffeurs, empruntent quand même la route dans le cadre de leur travail : ceux qui démarchent des clients, se rendent à un séminaire de travail, effectuent une visite chez un prestataire, inspectent un chantier etc. Le risque routier exige donc que l’employeur respecte la réglementation s’appliquant à la prévention des risques professionnels en plus bien sûr du Code de la route.
Pour rappel, l’employeur doit : évaluer les risques auxquels sont exposés ses salariés ; consigner cette évaluation dans un document unique et, bien sûr, prévenir les risques identifiés par des mesures adéquates. Cela peut sembler évident mais cela n’est pas toujours appliqué. Très fréquemment, le document unique n’est pas réalisé ou fait l’impasse sur le risque routier. Or, en cas d’accident, cette omission peut coûter très cher car elle contribuera à engager la responsabilité de l’employeur en démontrant qu’il n’a pas satisfait à son obligation de sécurité de résultat.

4 grands axes de prévention du risque routier

1- Réduire au maximum les déplacements.

Réduire le nombre de déplacements permet de réduire d’autant le risque d’accident de la route. Certains déplacements peuvent être évités en recourant à des solutions telles que les visio conférences. D’autres peuvent être effectués en transport en commun. Enfin, ceux qui ne peuvent être évités doivent être planifiés avec soin, en ne faisant pas peser de contraintes horaires trop lourdes, en incluant des temps de pause, et en anticipant les difficultés de circulation

2 – Bien choisir et entretenir les véhicules.

Les véhicules mis à disposition de salariés doivent être adaptés à leur usage et bien entretenus. Certains équipements jouent aussi un grand rôle dans la prévention des risques : ABS, airbags conducteurs et passagers, climatisation, direction assistée, équipement d’assistance électronique à la conduite, commande de la radio au volant, limiteur de vitesse.

3 – Interdire le téléphone au volant.

De nombreuses entreprises ont défini des règlements intérieurs n’autorisant pas l’usage du téléphone portable pendant la conduite.” Mais ces initiatives de nature réglementaires rappelant que le Code de la route interdit le téléphone au volant – y compris avec une oreillette – doivent être complétées par une organisation globale visant à réduire la nécessité de communiquer pendant les déplacements.

4 – Sensibiliser les salariés aux risques routiers.

Comme le savent les professionnels de la sécurité routière, les bonnes pratiques de conduite doivent être régulièrement rappelées. Il est donc nécessaire que les employeurs effectuent régulièrement des campagnes de sensibilisation et de formation de leurs salariés. À cette fin, il est notamment possible de recourir à des modules de formations en ligne.