“Le pourcentage de personnes travaillant sur un ordinateur, un ordinateur portable ou un clavier tout le temps ou presque tout le temps est passé de 17,6 % en 2000 à 30,3 % en 2015.”
Un récent rapport de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-Osha) appelle à mieux prévenir les risques pour la santé induits par le maintien prolongé des positions assises ou debout au travail. Dans un contexte marqué par l’accroissement du travail sédentaire et l’explosion du télétravail, l’agence invite les employeurs européens à mieux évaluer et prévenir ce risque trop sous-estimé. Les experts sollicités rappellent notamment l’impact de cette posture de travail sur le développement des troubles musculosquelettiques (TMS), “première cause d’indemnisation pour maladie professionnelle en France” selon l’Assurance Maladies.
Dans l’imaginaire collectif, le travail assis n’est pas spontanément considéré comme dangereux. Et pourtant, à mesure que le travail sédentaire se répand en raison de la tertiarisation de notre économie, de nombreuses études pointent les risques insidieux que cette posture comporte pour la santé lorsqu’elle est adoptée de façon prolongée.
L’explosion du travail en position assise
Or, dans les pays européens, la sédentarité est devenue un phénomène social majeur. Selon les données de l’Eurobaromètre de 2013 (8), dans l’Union européenne, “18 % des adultes restent assis pendant plus de 7,5 heures au total pendant la journée”. C’est également le cas en France, où les adultes restent en moyenne 4 heures et 10 minutes en position assise au travail. Selon les données d’Eurostat, en 2017, 39 % des travailleurs de l’Union européenne travaillaient en position assise. Il s’agit notamment des employés de bureau utilisant des ordinateurs, du personnel des centres d’appels mais aussi des conducteurs de véhicules. Il s’agit d’une tendance lourde notamment liée à la digitalisation du travail. Le rapport souligne ainsi que “le pourcentage de personnes travaillant sur un ordinateur, un ordinateur portable ou un clavier tout le temps ou presque tout le temps est passé de 17,6 % en 2000 à 30,3 % en 2015”. Et, bien entendu, le télétravail qui s’est considérablement développé depuis deux ans à la faveur de la crise sanitaire ne va rien arranger de ce point de vue puisqu’il peut contribuer à renforcer le temps passé en continu devant son écran d’ordinateur, tout au long de la journée de travail.
Une définition de la position assise prolongée
La position assise prolongée est généralement définie comme “le fait d’être sédentaire pendant au moins 2 heures consécutives” et présente, selon les experts : trois caractéristiques principales :
- une consommation de calories réduite;
- une posture corporelle assise;
- une charge statique impliquant un effort physique pour maintenir la même position.
Les métiers les plus concernés
Sans surprise, les employés de bureau sont les plus exposés par ce risque. Toutefois, ils n’en ont, hélas, pas le monopole. D’autres métiers sont également concernés. Le rapport cite “les conducteurs, les pilotes, les grutiers, les opérateurs de machines à coudre, les travailleurs à la chaîne et les personnes qui travaillent dans les services d’assistance et les laboratoires, les centres d’appels
et les salles de contrôle” mais aussi “les personnes qui travaillent depuis leur domicile, qui peuvent être tentées de travailler plus longtemps sans pause, dans des conditions ergonomiques parfois moins bonnes que celles qu’elles ont au bureau”.
Des effets très négatifs sur la santé
Les effets sur la santé associés à une position assise prolongée sont tout sauf négligeables. Ils comprennent notamment :
- la lombalgie ;
- les troubles affectant le cou et l’épaule ;
- le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires ;
- l’obésité ;
- certains types de cancers, en particulier le cancer du sein et le cancer du côlon ;
- les problèmes de santé mentale ;
- le décès prématuré.
La position assise favorise aussi l’apparition de troubles musculosquelettiques surtout lorsqu’elle est associée à des vibrations (cas des conducteurs) ou lorsque les postures sont contraintes, inconfortables ou inadaptées.
Les recommandations générales aux salariés
Pour éviter les pathologies associées à la station assise prolongée, les experts de l’Agence formulent les recommandations suivantes aux travailleurs :
- “Passez 50 % tout au plus de votre journée de travail en position assise”.
“Évitez de rester assis pendant une longue durée – essayez de vous, lever au moins toutes les 20-30, minutes.” - “Levez-vous toujours pendant au moins 10 minutes après 2 heures en position assise.”
- “Restez le moins possible en position assise.”
- “Ne dépassez pas 5 heures en position assise au travail chaque jour.”
- “Travaillez de manière active et changez de position en alternant position assise, position debout et marche.”
Le rapport met aussi en garde contre un préjugé de plus en plus répandu alors que se développent les “flex-offices” accueillant pour une durée limitée des salariés exerçant une partie de leurs heures en télétravail : “le contraire de la position assise n’est pas la position debout, mais le mouvement. Ainsi, bien qu’un bureau assis-debout permettant d’alterner entre la position assise et la position debout puisse être utile, il n’est pas suffisant, car vous alternez toujours entre deux postures statiques.” L’objectif à atteindre est plutôt la “position assise active” caractérisée par des positions assises continuellement modifiées.
Des mesures de prévention souvent simples et peu coûteuses
Les mesures proposées dans le rapport confirment que les démarches de prévention ne sont pas nécessairement onéreuses parce qu’elles peuvent simplement reposer sur une modification du règlement intérieur et de menus changements dans les habitudes de travail. Les auteurs du rapport évoquent ainsi le cas de supermarchés ayant permis aux employés des caisses d’alterner les positions assises et debout au gré de leurs besoins et de leurs envies ou encore de PME industrielles ayant introduit dans le planning des micro pauses et une rotation des tâches.
Les 4 piliers d’une stratégie de prévention des risques du travail assis
La prévention des risques liés à la position assise ne saurait toutefois reposer sur les seuls salariés. L’Agence incite ainsi les employeurs à élaborer de véritables stratégies de prévention multidimensionnelle. Elle estime notamment sur les nécessités suivantes :
- Fournir un poste de travail ergonomique adapté aux tâches à accomplir par les travailleurs. L’idéal est de “permettre des changements de posture et un travail confortable, avec, par exemple, des sièges réglables qui facilitent également les changements de posture et une position assise active”.
- Organiser le travail pour limiter la position assise, et “promouvoir le mouvement en équilibrant les tâches à accomplir et en offrant des possibilités de travail actif, de rotation des tâches, d’enrichissement professionnel, de mini-pauses et de contrôle individuel”
- Organiser l’environnement de travail pour favoriser les déplacements par exemple “en plaçant les poubelles et les imprimantes dans un espace commun et non dans chaque bureau. individuel”.
- Promouvoir un comportement sain “en sensibilisant, par des campagnes d’information, les travailleurs aux dangers de la position assise prolongée” et en les informant sur les comportements à adopter pour les conjurer. Les auteurs précisent toutefois que cette mesure ne produira d’effets qu’en complément des mesures organisationnelles.
(1) “Position prolongée d’assise statique au travail. Effets sur la santé et conseils de
bonnes pratiques” par Kees Peereboom et Nicolien de Langen (vhp human performance,
Pays-Bas) en coopération avec Alicja Bortkiewicz (Nofer Institute of Occupational Medicine,
Lodź, Pologne), Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, 2021.