91% des établissements de plus de 250 salariés du secteur privé disposent d’un DUERP mis à jour tandis que ce n’est le cas que dans 41 % des établissements de moins de 10 salariés.
Le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) est-il tenu à jour et des mesures de prévention contre les risques sont-elles mises en œuvre ? Y a-t-il des différences de situation selon le secteur d’activité et la taille de l’établissement ? L’identification des risques amène-t-elle à plus de prévention ? Depuis 2013, les enquêtes Conditions de travail de la Dares (Ministère du Travail) questionnent les employeurs sur leurs pratiques en matière de prévention. Réalisée en 2019 auprès de quelque 17000 dirigeants d’établissements privés et publics, la dernière édition de cette enquête offre une radiographie de la prévention des risques professionnels par les employeurs français. En voici les principaux enseignements.
1 – Une évaluation des risques encore déficiente dans plus de la moitié des établissements
L’enquête révèle qu’en 2019, seuls des établissements déclaraient avoir leur “46 % document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) à jour, c’est-à-dire rédigé ou actualisé au cours des douze derniers mois”. Autre lacune : parmi ces documents uniques, moins de la moitié (48 %) intègrent les risques psychosociaux et seuls 77 % sont portés à la connaissance du personnel.
Difficultés des TPE à s’acquitter de leurs obligations
Sans surprise, l’enquête confirme la forte disparité de l’évaluation des risques selon la taille de l’établissement : 91% des établissements de plus de 250 salariés du secteur privé disposent d’un DUERP mis à jour tandis que ce n’est le cas que dans 41 % des établissements de moins de 10 salariés. Pour les analystes de la Dares, “cette sous-documentation des risques dans les plus petites structures s’explique par de faibles connaissances et compétences en matière de santé au travail, la complexité de la réglementation” mais aussi par “l’absence de contact avec les préventeurs” qui leur permettraient justement de surmonter leurs difficultés en matière d’évaluation et de prévention des risques.
De façon plus inédite, l’enquête révèle que l’attention portée à l’évaluation des risques est fortement corrélée à la perception des risques par l’employeur. Ainsi, lorsque celui-ci estime que les salariés ne sont exposés à aucun des risques identifiés dans l’enquête, le DUERP est à jour dans seulement 37 % des établissements. Mais “la proportion passe à 51 % lorsque l’employeur identifie un ou plusieurs risques psychosociaux, à 63 % lorsqu’il s’agit d’un ou plusieurs risques physiques, et 65 % en cas de cumul des deux formes d’exposition. ”Preuve que ce déficit d’évaluation a nécessairement des conséquences néfastes en matière de santé et de sécurité au travail, « un tiers des employeurs qui déclarent à la fois des risques psychosociaux et physiques n’ont pas de DUERP à jour”.
2 – L’engagement dans la prévention très variable selon les entreprises et les risques
L’enquête souligne qu’en 2019, établissements avaient effectué au moins “52 % des une action de prévention contre les risques physiques au cours des douze derniers mois et 33 % au moins une action contre les risques psychosociaux au cours des trois dernières années”.
De façon logique, les entreprises les plus investies sont celles qui perçoivent les risques auxquels sont exposés leurs membres : “La part des employeurs qui font de la prévention double entre ceux qui ne déclarent pas ou très peu de risques et les autres : elle passe de 40 % à 74 % pour les risques physiques sur les douze derniers mois et de 23 % à 47 % pour les risques psychosociaux sur les trois dernières années.”.
Sans surprise, la disparité selon la taille de l’entreprise est confirmée. “Les mesures de prévention sont plus répandues dans les établissements de 50 salariés ou plus qui y exposent leurs salariés (9 cas sur 10 dans le public comme le privé pour les risques physiques ou psychosociaux), que dans ceux de 10 salariés ou moins (7 sur 10 pour les risques physiques et 4 sur 10 pour les risques psychosociaux, dans le public comme dans le privé).” L’enquête donne aussi une idée de l’éventail des actions de prévention réalisées. “Les actions nouvelles les plus répandues contre les risques physiques sont la mise à disposition de nouveaux équipements de protection individuelle (EPI, 18 %), la formation des salariés à la sécurité au travail (16 %) et la modification des locaux et équipements (16 %).”
D’importantes marges de progrès réalisables
Ici encore, la taille de l’entreprise a une forte influence. En effet “dans les établissements de moins de 10 salariés, la mesure la plus fréquente est la mise à disposition de nouveaux EPI, alors qu’au-delà de ce seuil, la formation des salariés à la sécurité au travail prévaut. La modification des locaux et des équipements, la mise en place d’un nouveau plan de prévention ou le recours à une expertise extérieure sont davantage mis en œuvre dans les établissements de plus grande taille.”
Enfin, preuve que des marges de progrès existent encore, les analystes de la Dares notent que “les postures pénibles, la manutention de charges lourdes, l’exposition à des températures extrêmes ou au travail de nuit sont les risques les moins bien prévenus. Un établissement sur quatre qui déclare ces risques n’en fait pas la prévention.”
3 – Les risques psychosociaux encore trop négligés
L’enquête révèle que risques psychosociaux (RPS) demeure malgré tout moins présente que celle des risques physiques”. Ainsi, parmi les établissements identifiant trois risques psychosociaux, 35 % n’ont mis en œuvre aucune action pour les prévenir. Ce n’est le cas que de 19 % des entreprises estimant être concernées par trois risques physiques. Plus globalement, en 2019, la prévention des RPS était réalisée par seulement un tiers des employeurs au cours des trois dernières années. Les analystes précisent que “la mesure principale est l’assistance de manière confidentielle aux salariés qui la réclament (16 %), suivie de l’aménagement des horaires de travail, (11 %). Viennent ensuite le signalement des salariés en situation de risque (7 %), puis la formation spécifique des salariés ou des encadrants à la gestion des risques psychosociaux (5 % dans les deux cas). Comme pour d’autres catégories de risque, la prévention des RPS est fortement tributaire de la culture professionnelle. Ainsi, dans la fonction publique hospitalière, ils font l’objet d’une attention soutenue.
4 – Les experts extérieurs, solution trop peu exploitée
Pour s’acquitter de leurs obligations en matière de prévention des risques professionnels et de promotion de la santé au travail, les employeurs peuvent bénéficier de conseils de différents organismes spécialisés des services de santé au travail, de l’inspection du travail, ainsi que d’intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) privés.
Toutefois, selon l’enquête, ils sont seulement 35 % à recourir à cette aide. C’est regrettable car ce partenariat produit des effets remarquables. Ainsi, “les établissements disposant d’un DUERP bénéficient plus souvent que les autres de conseils institutionnels (52 % contre 21 %). Et réciproquement, quand ils bénéficient de ces conseils, les employeurs élaborent le DUERP plus souvent que la moyenne (68 % contre 46 %).” Surtout le recours à des expertises extérieures est également corrélé à la prévention effective des risques. En effet, “les établissements qui bénéficient de tels conseils sont 75 % à prévenir les risques physiques, contre 40 % des autres. L’écart relatif est encore plus grand dans le cas des mesures contre les risques psychosociaux (51 % contre 23 %).”