Incivilités au travail

eleasun risque professionnel souvent sous-estimé.

Un colloque et une enquête soulignent que les incivilités au travail représentent un véritable risque professionnel que les entreprises doivent évaluer et prévenir pour préserver la santé de leur salariés et maintenir leur performance.

« La multiplication des incivilités au travail constitue une préoccupation croissante des entreprises, des administrations et des collectivités, tous secteurs confondus », ont souligné Xavier Alas Luquetas, président-fondateur du cabinet de conseil en management Eléas et Jean-Frédéric Poisson, député des Yvelines, lors du colloque qu’ils ont consacré à ce phénomène, en partenariat avec l’Association nationale des DRH (ANDRH) (1).

42 % des salariés exposés aux incivilités

Selon l’enquête réalisée à cette occasion, 42% des salariés se sentent exposés aux incivilités et 46 % estiment qu’elles sont en augmentation ces dernières années. Mais de quoi parle-t-on ? À la différence d’autres formes de violence, les incivilités ne sont pas spectaculaires mais peuvent quand même plomber gravement l’ambiance de travail. Chacun en a déjà fait l’amère expérience. « Au bureau, les espaces communs laissés en désordre constituent la forme d’incivilité la plus répandue. Les salariés se plaignent ensuite du bruit que leur collègues peuvent faire et qui les empêche de travailler, des ‘bonjour’ et ‘au revoir’ pas toujours prononcés, des prises de paroles incessantes sans considération des autres, ou encore des retardataires aux réunions qui ne prennent pas la peine de s’excuser. », résume Samuel Chalom dans Les Échos Business.

Collègues et clients, usagers : tous responsables !

Qui est responsable ? Un peu tout le monde. Les salariés sondés désignent à 54 % les clients et usagers et à 48 % leurs propres collègues. Pour 55 % d’entre eux, « les comportements incivils sont liés à l’âge ». Un sondé sur deux estime que « les salariés de 16 à 34 ans sont les plus incivils ». D’autres facteurs sont également avancés. Les salariés mettent ainsi en accusation les open space, 58 % d’entre eux y constatant un plus grand nombre d’incivilités, et les téléphones portables. « Plus d’un salarié sur deux (53 %) trouve insupportable qu’un collègue réponde à un appel téléphonique pendant une réunion. Cette proportion est d’autant plus forte chez les plus de 55 ans (65 %) qui sont également 76 % à trouver insupportable qu’un collègue écrive des SMS en entretien face à face ».

Des publics plus exposés

Certains métiers sont bien sûr plus exposés. « Sans surprise le contact avec des publics extérieurs est ici un facteur important. Sont ainsi surexposées les personnes travaillant à un guichet ou à l’accueil (77 %), dans un commerce (66 %) ou dans les services non marchands, comme l’éducation, la santé, l’action sociale et l’administration (50 %). » Autre observation, plus surprenante : « Les salariés travaillant en horaires décalés (50 %) sont plus exposés que ceux ayant des horaires classiques (29 %) ». Enfin, l’impact des incivilités est plus fort sur les jeunes salariés. Les résultats recueillis sont, à cet égard, frappant : 67 % des 20-34 ans se sont sentis démotivés par rapport à leur travail (contre 59 % des plus de 55 ans) ; 44 % des 20-34 ans ont développé une mauvaise image d’eux-mêmes (contre 29 % des plus de 55 ans), etc.

Un risque à évaluer et à prévenir

Lorsqu’elles sont répétitives, même les plus anodines des incivilités finissent par avoir de graves conséquences sur la santé des salariés et la performance de l’entreprise : « 68 % des salariés se déclarent stressés ou anxieux dans un contexte d’incivilités chroniques et 52 % en éprouvent des troubles du sommeil. » Un constat qui rappelle combien les incivilités représentent un véritable risque professionnel à prendre en compte par l’entreprise tant lors de la réalisation du document unique que dans la politique globale de prévention des risques. Une obligation de plus ? A l’instar des participants au colloque, nous préférons y voir une opportunité de remédier aux dysfonctionnements qui menacent la santé des salariés et la performance de l’entreprise. n

(1) « Incivilités au travail – Quel enjeu de société, quelles réponses des organisations ? » 05/11/15, Assemblée nationale.