« Les entreprises sont incitées à endosser le rôle d’auxiliaires de santé publique, voire de prescripteurs de comportements “vertueux” : ne pas fumer, éviter l’alcool, manger sainement, faire du sport, etc. »

Les inégalités professionnelles en matière d’espérance de vie persistent mais se réduisent progressivement. C’est ce qui ressort des dernières statistiques publiées cet été par l’Insee (1). En effet, aujourd’hui, les hommes cadres vivent en moyenne 5,3 ans de plus que les ouvriers, alors que, dans les années 1990, cet écart était de 7 ans.

Amélioration des conditions de travail

Pour maintenir cette belle dynamique, il convient bien sûr de poursuivre les efforts accomplis ces dernières décennies en matière de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. En effet, comme le note l’Insee, “la nature des professions exercées explique en partie les écarts, puisqu’elle peut être la cause directe d’un état de santé plus ou moins bon, et donc d’une durée de vie plus ou moins longue.
Les cadres sont moins soumis aux risques professionnels (accidents et maladies du travail, conditions de travail pénibles, etc.) que les ouvriers”
. Même si le travail des ouvriers restera nécessairement plus dangereux que celui des cadres, des progrès peuvent certainement encore être accomplis et l’entreprise a bien sûr, en la matière, un rôle prépondérant à jouer.

Promotion de l’hygiène de vie

Mais les écarts d’espérance de vie résultent bien sûr aussi des différences de mode de vie entre les groupes sociaux. En effet, comme le soulignent les experts de l’Insee “les comportements de santé à risque, les moindres recours et accès aux soins, ou encore l’obésité sont moins fréquents chez les cadres que chez les ouvriers”. Or, contrairement à une idée reçue, l’entreprise peut également jouer un rôle dans la promotion de l’hygiène de vie. Ainsi, le quatrième Plan Santé au Travail (PST4) souhaite “promouvoir les activités physiques et sportives (APS) en entreprise” en soulignant que “le milieu professionnel constitue un espace possible pour développer les activités physiques et sportives”.

Convergence entre santé au travail et santé publique

On assiste ainsi à un processus de convergence entre la santé au travail et la santé publique, le PST4 prônant d’ailleurs explicitement une “coordination renforcée des acteurs concourant aux différentes politiques de santé”. Dès à présent, les entreprises sont incitées à endosser le rôle d’auxiliaires de santé publique, voire de prescripteurs de comportements “vertueux” : ne pas fumer, éviter l’alcool, manger sainement, faire du sport, etc. On comprend que certains expriment des réticences philosophiques face à cette extension du rôle et de la responsabilité des entreprises. Mais on peut parier qu’elles ne pèseront pas lourd face aux progrès escomptés en matière de santé. En effet, comment ne pas souhaiter que l’espérance de vie des travailleurs, et singulièrement celle des ouvriers, continue de progresser ?

Insee Première, n° 2005, juillet 2024.