Dans l’entreprise, le véhicule est un outil de travail dont l’entretien est une nécessité. Qu’il soit de service ou de fonction, il doit prioritairement garantir la sécurité du salarié qui l’utilise. Cette nuance a toutefois son importance en termes de responsabilité liée à l’entretien, notamment dans le cas d’un accident.
« L’employeur peut choisir de déléguer son entretien au salarié qui s’est vu confier un véhicule. Dans ce cas, il doit d’abord l’en avoir informé explicitement. En pratique, il est préférable de définir précisément, dans le contrat de travail, les conditions d’utilisation de ce véhicule et les obligations du salarié afférentes à celui-ci. » Elles peuvent également l’être dans le règlement intérieur de l’entreprise, dans des notes de service ou tout autre document remis au salarié.
Mauvais entretien des véhicules : qui est responsable ?
Le véhicule de société est un outil indispensable pour l’activité d’une entreprise.
Il suffit de jeter un œil sur les chiffres du marché d’entreprise (incluant les administrations, les loueurs longue durée et les sociétés hors automobiles), publiés par l’Observatoire du véhicule d’entreprise, pour noter que sa croissance ne faiblit pas. Avec plus de 818 000 véhicules, dont plus de 476 000 particuliers (VP) et 342 000 utilitaires légers (VUL), le marché progresse de 2,1 % cumulant au passage une troisième année record.
Quel que soit le nombre de véhicules que compte le parc automobile d’une entreprise, sa gestion doit être rigoureuse, notamment pour les phases d’entretien. Les avantages sont nombreux : étirer leur durée de vie, optimiser leur prix de revente, limiter les coûts directs ou indirects des pannes éventuelles sur l’organisation de l’activité et surtout garantir la sécurité de leurs utilisateurs. Si la question de la responsabilité peut se discuter, notamment dans le cas de la voiture de fonction, l’employeur est rarement épargné.
Obligation de sécurité
L’employeur est tenu à une obligation de sécurité vis-à-vis de son salarié. À ce titre, il doit prendre toutes les mesures de prévention afin que ce dernier dispose d’un véhicule de service ou de fonction en bon état et régulièrement entretenu. Il a également la charge financière de l’intégralité des frais d’entretien et de maintenance de son parc.
L’employeur doit organiser l’entretien des véhicules. Pour optimiser la gestion du parc sur cette question, la CRAMIF(1) recommande, dans sa fiche « Choix et entretien des véhicules », de :
– définir une personne en charge de la gestion du parc et s’assurer qu’elle dispose des compétences et des moyens nécessaires à la bonne exécution de cette mission ;
– planifier l’entretien des véhicules, en adaptant la périodicité ;
– mettre à disposition des salariés un carnet d’observation et d’entretien pour chaque véhicule ;
– encourager les utilisateurs à signaler tout dysfonctionnement ;
– prendre en compte les spécificités des véhicules et des conducteurs en cas de véhicules partagés ;
– inciter financièrement à l’entretien du véhicule personnel lorsque celui-ci est utilisé en mission.
Dans le cas où l’employeur ne respecterait pas son obligation de sécurité, sa responsabilité civile et pénale peut être engagée. Il doit, dès lors, veiller à ce que toutes les mesures soient prises pour que ses salariés disposent de véhicules dont l’état est irréprochable.
Au choix, l’employeur peut mettre à la disposition du personnel, de manière non nominative, des véhicules de service (camionnette, camion, véhicule commercial, etc.), à titre exclusivement professionnel. Dans ce cas, les conditions d’utilisation et d’entretien doivent être définies dans le règlement intérieur de l’entreprise. Pour les salariés concernés, une clause du contrat peut renvoyer à ces dispositions. S’agissant d’un véhicule de service, un outil de travail exclusivement, Benjamin Cabagno, avocat au barreau de Paris, souligne : « L’employeur doit veiller à son état, donc à son entretien. » Si ce n’est pas le cas, le droit de retrait du salarié peut s’appliquer, s’il considère que les conditions de sécurité ne sont pas suffisantes pour assurer sa sécurité durant son temps de travail. Encore faut-il le prouver.
L’employeur peut aussi mettre à la disposition d’un salarié une voiture de fonction. Dans ce cas, il peut en autoriser l’utilisation à des fins personnelles ou l’interdire.
Benjamin Cabagno précise : « L’employeur peut choisir de déléguer son entretien au salarié qui s’est vu confier un véhicule. Dans ce cas, il doit d’abord l’en avoir informé explicitement. En pratique, il est préférable de définir précisément, dans le contrat de travail, les conditions d’utilisation de ce véhicule et les obligations du salarié afférentes à celui-ci. » Elles peuvent également l’être dans le règlement intérieur de l’entreprise, dans des notes de service ou tout autre document remis au salarié.
« Elles concernent notamment l’entretien, la fourniture des justificatifs pour le remboursement des frais d’essence, de parking et de péage ou la signalisation des accidents et autres incidents », ajoute Benjamin Cabagno. Si rien de tout cela n’est acté, toute la responsabilité liée à l’état des véhicules incombe à l’employeur.
Responsabilités du salarié
En tant qu’utilisateur quotidien du véhicule de fonction, le salarié est soumis à un certain nombre d’obligations consistant à :
– surveiller régulièrement le niveau des liquides (freins, huile moteur, lave-glace ou de refroidissement) ;
– contrôler la pression et l’usure des pneumatiques ;
– veiller au bon état de fonctionnement des feux de signalisation, des clignotants, du klaxon, des essuie-glaces, vitrages et autres rétroviseurs ;
– présenter son véhicule pour les entretiens et les révisions périodiques dans les délais et aux kilomètres indiqués par le constructeur dans le carnet d’entretien. Cette tâche est aujourd’hui simplifiée par les ordinateurs de bord qui alertent de plus en plus fréquemment les conducteurs à l’approche de l’échéance de ces contrôles. Le salarié utilisateur du véhicule de fonction doit aussi inscrire ou faire inscrire, sur le carnet de suivi et d’entretien du véhicule, la nature de toutes les opérations d’entretien courant effectuées, les réparations et toute autre anomalie détectée.
En cas de manquement à ses obligations d’entretien, le salarié « s’expose à des sanctions disciplinaires et peut faire l’objet d’un licenciement si cela cause un préjudice à l’employeur, par exemple en cas de refus de prise en charge d’un sinistre par le constructeur en raison du non-respect des délais de révision », prévient Benjamin Cabagno. La jurisprudence s’est prononcée en ce sens, confirmant le licenciement d’une salariée qui n’avait pas rempli ses obligations d’entretien d’un véhicule de fonction.
« En l’espèce, la salariée n’avait pas fait procéder à la révision des 30 000 km de son véhicule de fonction bien qu’elle ait été informée de cette obligation à la fois par la notice d’utilisation de son véhicule de fonction et par un guide de location automobile longue durée qui lui avait été remis (…) Elle n’avait en effet effectué la révision qu’à 36 000 km. Se prévalant de ce retard, le constructeur a refusé de prendre en charge une panne technique ultérieure qui a coûté 9 000 e à l’employeur » (Cour de cassation, chambre sociale, 12 décembre 2013, n° 12–25298).
Ingénieur-conseil au sein du département prévention des risques professionnels de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et expert du risque routier, Thierry Fassenot résumait récemment(2) : « L’entretien de la flotte gérée par l’entreprise est en effet sous la responsabilité de celle-ci. Il existe aussi une responsabilité du salarié conducteur prenant la route, qui devra effectuer certaines vérifications pour respecter le Code de la route. C’est donc en l’espèce un partage de responsabilités vis-à-vis de l’état du véhicule. » Il précisait aussi, au sujet de l’usage des véhicules personnels : « Pour les salariés se déplaçant en mission avec leur propre véhicule, il est nécessaire de bien clarifier et différencier les responsabilités de l’entreprise de celles du salarié. » Responsable sécurité environnement sûreté, chez Valrhona, Elisande Bourry confirme : « S’agissant de leur véhicule personnel, nous n’en vérifions pas l’entretien. Nous sensibilisons néanmoins les covoitureurs sur leur rôle et leurs responsabilités. »
En cas d’accident, un défaut d’entretien des véhicules peut constituer une faute inexcusable de l’employeur. C’est le cas s’il laisse un véhicule de l’entreprise circuler avec des pneumatiques usagés, par exemple. La jurisprudence a déjà eu l’occasion de statuer sur ce cas. La faute a entraîné l’indemnisation du salarié victime d’un accident du travail et un recours de la Sécurité sociale vis-à-vis de l’employeur pour les majorations de rente qui en résultèrent (Cour de cassation, 2e chambre civile, 25 octobre 2006). Les coûts de réparation du véhicule, de franchise d’assurance, de réparation des dommages causés aux éventuelles victimes et toute autre conséquence pécuniaire de l’accident restent aussi à la charge de l’employeur. Une clause du contrat de travail qui stipulerait le contraire serait nulle, toujours selon la Cour de cassation (chambre sociale, 6 mai 2009, n° 07-44.485). Seule exception, une faute lourde du salarié que constituerait une volonté de nuire, par exemple. Toute la difficulté pour l’employeur serait de le démontrer.
Sur le plan social néanmoins, le défaut d’entretien ou tout autre comportement fautif du salarié peut être considéré, en cas d’accident, comme une faute grave (causant un préjudice mais sans forcément une intentionnalité) justifiant le licenciement.
Entretenir pour maîtriser les coûts
Vis-à-vis de l’assureur, l’employeur peut aussi avoir des comptes à rendre pour défaut d’entretien. L’assureur accorde en effet des garanties en rapport avec l’état connu du véhicule à un moment précis.
Si un sinistre révèle que les informations sur ledit véhicule étaient faussées, ou pire dissimulées par l’assuré, l’assurance peut appliquer l’exclusion de garantie en démontrant la fraude. Le défaut d’’information étant plus facilement retenue que la fraude, l’assurance applique plus généralement une règle de retenue proportionnelle. Elle consiste à indemniser mais en imputant à l’assuré une somme équivalente au montant de la garantie telle qu’elle aurait été évaluée si l’information révélée par le sinistre avait été connue d’emblée. S’ensuivra aussi une augmentation de la prime d’assurance.
Dès l’acquisition du véhicule, une réflexion s’impose sur son coût. L’entretien y tient une part non négligeable. C’est l’un des enseignements du calcul du coût d’usage du véhicule. Le « TCO Scope » 2018 de l’Observatoire du véhicule d’entreprise révèle que l’entretien (il associe également les frais d’assurance) s’affichait, avec une part de 20,66 %, comme le troisième poste de coût du TCO(3), derrière les charges fiscales et sociales et loin derrière la dépréciation du véhicule(4). Cela représentait 7 245 €, en moyenne, pour un VP à moteur thermique. À 6 537 €, ce coût est moins élevé pour le segment des VUL, mais sa part s’élève à 24,6 %. Sur la base d’un autre mode de calcul simplifié, celui du prix de revient kilométrique (PRK), incluant la consommation, le prix du carburant et le coût de l’entretien, le choix d’un modèle économique prévaut, lors d’une acquisition. L’achat d’un véhicule neuf, certes plus onéreux qu’un autre d’occasion, limite a priori les mauvaises surprises quant aux risques de pannes éventuelles. Si elles surviennent, la garantie du constructeur pourra les couvrir durant les premières années d’utilisation du véhicule, voire jusqu’à sa revente.
Le bilan du contrôle technique automobile (voir encadré) révèle en effet que le taux de conformité atteint plus de 96 % pour les VP de 4 ans et un peu moins et 91 % pour les VUL de la même classe d’âge. Plus de la moitié de ces derniers font l’objet d’un usage professionnel.
Il s’agit d’un élément à prendre en compte également dans le cas d’une location longue durée (LLD), dont la durée du contrat varie entre 12 et 60 mois. Cette option permet à l’entreprise de disposer de véhicules neufs, limitant en conséquence les interventions techniques et d’entretien. Ce service est d’ailleurs le plus souvent pris en compte dans le contrat de location. Mais attention, cela ne signifie pas que l’employeur doit se désintéresser de l’usage de ses véhicules. Il est essentiel de maintenir une surveillance régulière pour éviter la dégradation de leur état. À cet effet, le loueur fournit un carnet d’entretien avec chaque véhicule loué et précise dans le détail leurs règles d’usage. Lors de la restitution des véhicules, le moindre manquement (impact, égratignure, défaut d’usure ou de fonctionnement, etc.) au-delà de taux de tolérance spécifiques, pourra faire l’objet d’une pénalité.
Stéphane Chabrier
(1) Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France.
(2) À l’occasion du colloque : « La sécurité routière au travail : un levier de performance » (lire p. 28).
(3) Total Cost of Ownership.
(4) Différence entre la valeur immobilisée et la valeur prévisible de revente.
Retrouver cet article dans le numéro 425 de le revue « La prévention routière dans l’entreprise ».
Pour aller plus loin : Les entreprises qui souhaitent engager une démarche globale de gestion du risque routier professionnel peuvent contacter la SEPR (Groupe Pôle Prévention) qui, depuis plus de 60 ans, conseille les entreprises en la matière : www.sepr-route.fr.
Gestion de l’entretien d’une flotte de vélos
La loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a permis d’acter des mesures en faveur du développement des flottes de vélos dans les entreprises. Outre la prise en charge de tout ou partie des frais engagés par les salariés pour leurs déplacements à vélo – à assistance électrique ou pas – entre leur domicile et leur lieu de travail, une réduction d’impôt sur les sociétés est également possible, depuis le 1er janvier 2016. Elle correspond aux frais générés par la mise à la disposition gratuite de leurs salariés d’une flotte de vélos (dans la limite pour l’entreprise de 25 % du prix d’achat), dont l’entretien. À ce titre, des opérateurs privés proposent aux entreprises des offres intégrant l’achat de vélos avec possibilité d’un contrat de maintenance mensuel, sur site.
Contrôle technique automobile : les utilitaires à la traîne
Tous usages confondus, plus de 20,6 millions de véhicules particuliers (VP) et autres véhicules utilitaires légers (VUL) ont été soumis en 2017 à la visite technique périodique, dont 17,7 millions de VP et près de 2,7 millions de VUL. La part de ces visites n’ayant décelé aucun défaut élémentaire a franchi le seuil de 14 % (13,5 %, en 2016) pour les VP mais elle reste beaucoup plus modeste pour les VUL (6,6 % en 2017 contre 6,2 %, un an plus tôt). Dans le même temps, le taux de prescription de contre-visites a également augmenté, à 18,5 % en 2017 (contre 17,6 % en 2016) pour les premiers et 21,3 % (contre 20,7 %) pour les seconds. L’âge moyen du parc des véhicules contrôlés, plus élevé pour les VUL (12,61 ans, contre 11,89) peut expliquer, en partie, cette différence. Les principales fonctions ayant motivé une contre-visite sont la liaison au sol (pneumatiques en particulier), l’éclairage ou la signalisation et le freinage.
Quant aux poids lourds, sur près de 1,2 million de visites techniques périodiques, le taux de non-conformité, en hausse, atteint 10,4 % en 2017 (9,6 % en 2016), dont 2,74 % avec interdiction de circuler. La fréquence des visites, plus rapprochée pour les PL, peut expliquer l’écart avec les véhicules légers.
Véhicules d’occasion : vérifiez avant d’acheter
S’il est évidemment moins onéreux à l’achat, le véhicule d’occasion ne signifie pas forcément que son acquéreur a fait une bonne affaire. Pour éviter les désillusions, il est préférable de prendre quelques précautions, avant l’achat. Sur la seule question de l’état du véhicule et de son entretien, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) conseille de :
– prendre connaissance du procès-verbal de contrôle technique, pour tout véhicule de plus de 4 ans. Il doit avoir été établi depuis moins de 6 mois (préciser sur le bon de commande la date de remise de ce document). Il informe sur l’état des organes de sécurité de la voiture (châssis, suspension, essieux, direction, freinage, éclairage, roues, carrosserie etc.). Sa remise après la vente, lors de la livraison, par exemple, constitue une infraction pénale sanctionnée par une amende ;
– consulter le carnet d’entretien et les factures des interventions effectuées. Aucune disposition réglementaire n’oblige le vendeur à remettre ces documents. Ils constituent toutefois un élément d’information essentiel sur l’antériorité du véhicule.
La non-présentation de ces documents doit être considérée comme un manquement rédhibitoire pour l’acquéreur dans le cadre d’une éventuelle transaction ;
– comparer le kilométrage affiché au compteur à celui mentionné sur les factures d’entretien mises éventuellement à disposition pour y déceler les éventuelles anomalies ;
– essayer le véhicule dans des conditions de circulation aléatoires, pour vérifier le fonctionnement du moteur, l’embrayage, les freins et la tenue de route. Il est également conseillé d’examiner visuellement le moteur, la carrosserie et l’intérieur du véhicule.
Après l’achat, une panne anormale peut être couverte par deux types de garanties :
– la garantie commerciale, dite du constructeur. Elle couvre certains défauts et pièces défectueuses durant une période limitée à 6 mois ou un an, en général ;
– la garantie légale ou des vices cachés. Elle s’applique à condition que le défaut soit grave et qu’il empêche l’usage normal du véhicule. Il faut prouver dans un délai de deux ans que le défaut était caché et qu’il existait avant l’achat.