Document unique pour les entreprises de moins de 11 salariés

Document unique pour les entreprises de moins de 11 salariés


Document Unique d’Evaluation des Risques professionnels : les effets de la nouvelle réglementation sur les entreprises de moins de 11 salariés au 31 mars 2022

Document unique pour les entreprises de moins de 11 salariés

Le décret n°2022-395 du 18 mars 2022, pris pour l’application de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 « pour renforcer la prévention en santé au travail » apporte quelques changements à la réglementation concernant le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels.

L’article R4121-2 du code du Travail est désormais ainsi rédigé :

La mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels est réalisée :

1° Au moins chaque année dans les entreprises d’au moins onze salariés ;

2° Lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

3° Lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque est portée à la connaissance de l’employeur.

La mise à jour du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail ou de la liste des actions de prévention et de protection mentionnés au III de l’article L. 4121-3-1 est effectuée à chaque mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels, si nécessaire.

Cela ne signifie aucunement que les entreprises de moins de 11 salariés ne doivent plus mettre à jour leur document unique.

Cela signifie que, pour ces entreprises, le rythme calendaire annuel de mise à jour est remplacé par la nécessité, du fait d’un « aménagement important » ou d’une « information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque […] portée à la connaissance de l’employeur ». Aucun texte officiel ne précisant la nature exacte des aménagements et informations qui doivent provoquer la mise à jour, le patron de TPE est seul face à des choix qui engagent civilement et pénalement son entreprise et lui-même à titre personnel.

Contrainte supplémentaire pour la mise à jour du document unique des entreprises de moins de 11 salariés

Cet apparent assouplissement crée de fait une contrainte supplémentaire et une incertitude juridique pour l’employeur. Jusque-là, il se penchait au moins une fois par an sur l’évaluation des risques et lorsqu’il y travaillait c’était l’occasion de faire le point sur les informations intéressant l’évaluation d’un risque qu’il n’aurait pas forcément suivies en temps réel. Aujourd’hui il doit être à l’affut des informations « portées à sa connaissance » en temps réel sans plus attendre de les « recueillir » ainsi que la rédaction antérieure de cet article le prescrivait. L’origine de l’information et le moyen de la porter à sa connaissance sont tellement divers et variés qu’il est totalement impossible pour un patron de petite entreprise de suivre tout cela en temps réel, à moins d’être accompagné par un bon préventeur.

Document unique pour les entreprises de moins de 11 salariés  : incertitude juridique

Si rien n’a changé dans l’entreprise, ce qui se passe autour de l’entreprise évolue en permanence et peut justifier une mise à jour. Comment le savoir ? Comment l’employeur peut-il deviner que telle ou telle information aurait dû provoquer l’actualisation de son document unique ? A moins d’y consacrer une part déraisonnable de son temps il n’aura pas toutes ces informations.

En revanche, en cas de procédure judiciaire consécutive à un accident, une maladie ou même un simple désaccord avec un salarié, les tribunaux ne manqueront pas de sanctionner son manquement à une obligation de sécurité si son document unique n’est pas à jour.

Nouveaux outils, nouvelles machines, évolution de l’organisation, évolution des techniques, crise sanitaire, évolution d’une crise sanitaire, mise en place du télétravail, développement des risques psychosociaux, nouvelle réglementation, nouveau seuil d’exposition, nouvel équipement de protection, accident ou maladie dans une entreprise similaire, des « informations supplémentaires » nécessitant l’actualisation du document unique sont sans cesse portée à la connaissance de l’employeur et la meilleure façon de gérer ces contraintes et l’incertitude juridique qui en résulte reste… la mise à jour annuelle.

Actions de prévention : toutes les entreprises sont concernées

Le document unique doit évidemment déboucher sur des actions de prévention. C’était tellement évident que tout le monde ne le faisait pas. Le décret du 18 mars inclut désormais dans l’article R4121-2 une liste ou un programme d’actions de prévention, selon la taille de l’entreprise à mettre à jour avec le document unique, « si nécessaire ».

Ce « si nécessaire » a aussi provoqué des erreurs d’interprétation. La présence de la liste ou du programme d’actions de prévention (dit « Papripact ») n’est pas optionnelle et elle doit être mise à jour si nécessaire en même temps que le document unique.

Ces actions ont vocation à être réalisées, pas uniquement à être portées sur une liste… Donc, naturellement, elles évoluent dans le temps : certaines sont permanentes, d’autres ont été réalisées, d’autres apparaissent et c’est cette réalité qui rend nécessaire leur mise à jour. Là aussi, dans la pratique, il n’y a pas de meilleure façon d’opérer, même dans les très petites entreprises, qu’une mise à jour annuelle accompagnée par un véritable préventeur.

Conservation des versions successives quelle que soit la taille de l’entreprise

Enfin, et c’est probablement le plus important, le décret formalise avec l’article R4121-4 l’obligation pour l’employeur de conserver toutes les versions successives du document unique jusqu’à l’entrée en vigueur du dépôt sur un portail numérique « sous la forme d’un document papier ou dématérialisé ». Pour mémoire, la loi du 2 août impose une durée de conservation de 40 ans.

Cela veut tout simplement dire que les employeurs qui n’ont pas de document unique ou dont le document unique n’est manifestement pas à jour ne pourront plus y couper. Cela représente, selon les sources, entre 20 % et 50 % des 900 000 employeurs en France, même s’il n’existe pas de statistiques fiables car les réponses aux questionnaires DARES sont déclaratives et ne peuvent être contrôlées. A l’ouverture des portails pour le dépôt des documents uniques, au plus tard le 1er juillet 2024 pour toutes les tailles d’entreprises, il leur faudra impérativement y déposer un Document Unique à jour. Ils n’ont dès maintenant pas d’autre choix que de s’y mettre, sans attendre qu’il soit trop tard…

Les autres dispositions du décret concernent :

  • l’intervention du CSE dans l’élaboration du DUER ;
  • le bilan annuel à présenter au CSE sur « la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise et des actions menées au cours de l’année écoulée dans ces domaines » ;
  • l’évaluation de la poly-exposition aux agents chimiques ;
  • des précisions sur l’accès au DUER pour les anciens salariés, limité aux versions en vigueur pendant leur période d’activité dans l’entreprise (bonjour l’organisation… !)
  • la tenue à disposition du DUER auprès du Service de Prévention et de Santé au Travail dans son ensemble et non plus des seuls médecins du travail et professionnels de santé.
  • la prise en charge des formations en santé et sécurité au travail par les OPCO.

Pour les autres sujets de la loi du 2 août, le Comité National de Prévention et de Santé au Travail (CNPST), instance paritaire, s’est réuni pour la première fois mardi 11 janvier 2022 en présence du secrétaire d’État chargé des Retraites et de la Santé au travail. Nous attendons les résultats de ses travaux, notamment sur la définition de l’offre socle des Services de Prévention et de Santé au Travail (SPST) et sur les modalités de mise en œuvre et de déploiement du passeport prévention.

Lisez le dernier article d’Altersécurité sur ce sujet : http://www.altersecurite.org/obligation-de-securite-limportance-du-document-unique/