Décret sur l’offre socle des services de santé au travail interentreprises (SPSTI) : une offre socle très limitée en matière de prévention des risques professionnels.

« Cette offre socle ne pourra évidemment pas suffire à remplir tous les besoins ni à sécuriser les employeurs au regard des responsabilités qui pèsent sur eux en matière de santé et sécurité au travail mais Il s’agit incontestablement d’un pas important vers l’ouverture des esprits à la culture de prévention. »

Le décret n° 2022-653 relatif à « l’ensemble socle » des Services de Prévention et de Santé au Travail Interentreprises (SPSTI) est paru au journal officiel du 26 avril 2022. Il approuve partiellement la délibération du Comité National de Prévention et de Santé au Travail (CNPST) du 1er avril 2022, dont la rédaction très minimaliste laisse transparaître la volonté de limiter au strict minimum la charge pesant sur les SPSTI en matière de prévention des risques professionnels.

L’offre-socle correspond à la base commune d’actions et de services que tous les SPSTI doivent pouvoir rendre à leurs adhérents. Elle se répartit en trois missions : « Prévention des risques professionnels », « Suivi individuel de l’état de santé » et « Prévention de la désinsertion professionnelle et maintien dans l’emploi ». Nous aborderons ici uniquement la première, qui était la plus attendue et la plus discutée.

En matière de prévention des risques professionnels, l’offre-socle est homogène pour tous les SPSTI, qui doivent pouvoir répondre aux demandes dans le cadre défini par le décret. Elle reste donc nécessairement limitée et il est prévu que le SPSTI peut faire appel à des préventeurs extérieurs s’il n’est pas en capacité de répondre aux demandes.

La fiche d’entreprise, qui existait déjà mais qui n’était pas toujours réalisée, doit désormais être établie dans l’année qui suit l’adhésion au SPSTI et mise à jour au moins tous les 4 ans ou dans des délais plus brefs sur demande particulière de l’entreprise. Il est précisé que la fiche peut constituer une base mais ne se substitue pas au document unique. Jusque-là il n’existait pas de périodicité de mise à jour et la façon dont les SPSTI vont pouvoir assumer cette charge, qui nécessite une visite dans l’entreprise, n’est pas précisée.

L’accompagnement dans l’évaluation des risques, la rédaction et la finalisation du DUERP se fait « à la demande de l’entreprise », ce qui revient à dire qu’il n’est pas systématique et qu’il n’est pas obligatoire pour les entreprises d’y recourir, sous des formes telles que :

  • Un « conseil » dont il est précisé qu’il s’agit d’orienter les TPE-PME vers des « outils existants comme OiRA, Seirich ou des outils spécifiques élaborés par la branche professionnelle ».
    OiRA est un projet européen sous la forme d’un outil sectoriel en ligne dont l’INRS est le relais français. Seirich, développé par l’INRS, concerne uniquement le risque chimique. Parmi les « outils spécifiques » des branches professionnelles, Maeva, de l’OPPBTP, est le plus connu. Ces outils sont tous des logiciels d’autoévaluation en ligne dont l’utilisation reste à la charge de l’employeur. Ils peuvent être utiles à ceux qui ont le temps, les connaissances spécifiques et l’appétence pour ces sujets mais d’autres solutions fondées sur l’assistance humaine d’un véritable préventeur peuvent souvent s’avérer plus pertinentes.
  • Un accompagnement dans l’élaboration de la liste des actions de prévention dont il est précisé qu’elles restent de la seule responsabilité de l’employeur.

Apparaît dans ce décret la réalisation d’une action de « prévention primaire » au moins une fois tous les quatre ans, telle que conseil d’aménagement, analyse métrologique, actions de sensibilisation collectives, prévention et dépistage des conduites addictives, sensibilisation à des questions de santé publique en lien avec l’activité, … C’est très léger mais cela peut constituer soit le début soit le complément d’une démarche de prévention propre à l’entreprise et inscrite dans la durée.

La participation du SPSTI aux réunions des instances représentatives des salariés ne change pas fondamentalement par rapport aux précédentes missions des services de santé au travail car ils étaient déjà convoqués aux réunions du CSE, à ceci près qu’elle est désormais ouverte aux membres de « l’équipe pluridisciplinaire » et que le médecin du travail doit présenter un rapport annuel pour les entreprises de plus de 300 personnes.

Il est précisé que l’offre socle de services ne se substitue pas aux obligations qui relèvent de l’employeur. Ceux-ci n’ont d’ailleurs aucune obligation de solliciter leur SPSTI pour toute la palette de l’offre-socle et demeurent libres de déterminer leur démarche de prévention et de choisir leurs prestataires et leurs outils, dans le respect d’obligations légales et réglementaires dont ils restent les seuls responsables. En clair, l’employeur ne peut pas imaginer déléguer au SPSTI la rédaction de son DUERP ou la réalisation de ses actions de prévention mais il pourra recourir utilement à certains des services de l’offre-socle pour initier ou compléter sa démarche de prévention.

Cette offre socle ne pourra évidemment pas suffire à remplir tous les besoins ni à sécuriser les employeurs au regard des responsabilités qui pèsent sur eux en matière de santé et sécurité au travail mais Il s’agit incontestablement d’un pas important vers l’ouverture des esprits à la culture de prévention. Saluons d’ailleurs le fait que, pour la première fois, l’expression « culture de prévention » figure dans un décret du ministère du travail.

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