Une fois que la marchandise a été conditionnée et emballée par son expéditeur (celui pour le bénéfice duquel le transport est organisé), elle est prête à être chargée dans un véhicule.
Des règles spécifiques s’appliquent alors, tant en ce qui concerne la durée de mise à disposition du véhicule en vue du chargement ou du déchargement que pour les opérations elles-mêmes que vont engager les différents intervenants concernés.
C’est en fonction du poids de la marchandise que les différentes réglementations et responsabilités s’appliquent lors des opérations de chargement ou de déchargement des marchandises.
Six contrats types de transport régissent les relations entre les différents intervenants du transport public. Ils concernent le transport d’objets indivisibles en convoi exceptionnel, de marchandises périssables sous température dirigée, d’animaux vivants, de fonds et de valeurs, de véhicules citernes et de véhicules roulants.
Réactualisé par le décret 2017-461 du 31 mars 2017, un septième contrat type va retenir notre attention. Il s’applique au transport public routier de marchandises ne pouvant être rattaché à aucun des contrats types spécifiques cités précédemment.
Selon l’article L 3222-8 du Code des transports, ces contrats prévoient, à peine de nullité l’estimation : des temps nécessaires à l’exécution des différentes tâches, les modalités de calcul de la rémunération des transporteurs lorsque les temps alloués sont dépassés du fait de l’expéditeur, du commissionnaire de transport, du destinataire ou de tout autre donneur d’ordre et, en troisième lieu, des pénalités dues par le transporteur lorsque le dépassement est de son fait.
Mise à disposition limitée de la marchandise avant chargement ou déchargement,
Pour qu’un véhicule puisse être chargé ou déchargé, des contraintes de temps sont à respecter.
À l’arrivée du véhicule sur les lieux de chargement ou de déchargement, ou dans l’aire d’attente, le transporteur doit informer le représentant de l’établissement de chargement ou de déchargement que son véhicule est à sa disposition pour effectuer les opérations prévues. L’heure de cette mise à disposition va alors être immédiatement consignée par le transporteur sur le document de suivi. C’est cette consignation qui constitue l’identification du véhicule.
Selon le Code des transports, toute opération de transport public routier de marchandises est en effet rémunérée notamment sur la base des durées pendant lesquelles le véhicule et son équipage sont à disposition en vue du chargement ou du déchargement, d’où l’importance de bien déterminer l’heure d’identification du véhicule. Précisons que les lieux désignés par le donneur d’ordre doivent être accessibles sans contrainte ni risques particuliers pour les véhicules en charge du transport de la marchandise.
Diverses durées de mise à disposition
Les durées maximales de mise à disposition des véhicules autorisées prennent fin avec la remise au transporteur des documents émargés et diffèrent suivant le poids de la marchandise chargée.
♦ Quand les envois sont inférieurs à 3 t, les durées totales de mise à disposition du véhicule sont de 15 min maximum pour les envois inférieurs à 100 kg composés de moins de 20 colis (30 min pour les autres).
♦ Quand les envois sont compris entre 3 t et 10 t et qu’ils n’excèdent pas 30 m3, la durée totale de mise à disposition du véhicule est d’une heure, au maximum, en cas de rendez-vous à un horaire précis respecté. Cette durée peut atteindre 1 h 30 en cas de rendez-vous respecté sur une plage horaire prévue initialement ou en cas de retard n’excédant pas 30 min. Dans toutes les autres situations, cette durée de mise à disposition du véhicule peut atteindre 2 h.
♦ Quand les envois sont supérieurs à 10 t ou 30 m3 de volume, la durée maximum de mise à disposition des opérations de chargement ou de déchargement est d’une heure en cas de rendez-vous à un horaire fixe respecté, de 2 h en cas de plage horaire respectée ou de retard n’excédant pas 30 min et de 3 h dans tous les autres cas.
Dans le cas où le transporteur se présente en avance, les durées pour les envois d’au moins 3 t ne courent qu’à compter de l’heure de rendez-vous ou de l’heure de début de plage horaire convenue initialement.
Suspension ou dépassement des durées d’immobilisation
Les durées d’immobilisation des véhicules peuvent être suspendues si le rendez-vous et/ou la plage horaire ne sont pas respectés. Les durées de mise à disposition non écoulées à l’heure de fermeture des services d’expédition ou de réception de l’établissement le seront jusqu’à l’heure d’ouverture de ces services, le premier jour ouvrable qui suit. En revanche, cette suspension ne s’applique pas en cas de rendez-vous et/ou de plage horaire respectés ou en l’absence de rendez-vous ou de plage horaire.
En cas de dépassement des durées fixées non imputable au transporteur, celui-ci perçoit du responsable de ce dépassement un complément de rémunération pour frais d’immobilisation du véhicule et/ou de l’équipage.
Si les opérations de chargement n’ont pas débuté au terme des durées décomptées telles que détaillées précédemment, le transporteur est en droit de refuser la prise en charge sans indemnité.
Modalités de chargement et de déchargement de la marchandise
En plus des contraintes de temps, le transporteur doit respecter des contraintes d’espace et un certain nombre d’obligations.
La distinction des responsabilités s’opère suivant le poids de la marchandise chargée :
♦ Pour les marchandises transportées (envois) inférieures à 3 t, le transporteur exécute sous sa responsabilité les opérations de chargement, de calage, d’arrimage et de déchargement de l’envoi. Celles-ci sont toutefois susceptibles d’être effectuées sur des sites diversifiés :
- dans l’enceinte des établissements industriels, commerciaux ou sur les chantiers, après que l’envoi est amené par l’expéditeur (ou qu’il est déchargé) au pied du véhicule ;
- au seuil du magasin, pour les commerces sur rue et les « points de proximité » ;
- au seuil de l’habitation, pour les particuliers.
Tout préposé de l’expéditeur ou du destinataire participant aux opérations de chargement, de calage, d’arrimage ou de déchargement est réputé agir pour le compte du transporteur et sous sa responsabilité, dès lors qu’il les effectue bien dans le respect des trois lieux visés ci-dessus.
En cas d’inaccessibilité des lieux, les opérations de chargement et de déchargement s’effectuent dans les locaux du transporteur, à l’endroit normalement affecté à la prise en charge ou à la livraison des colis, selon le cas.
Le transporteur est reconnu comme celui qui met en œuvre les moyens techniques de transfert propres au véhicule. À ce titre, il est responsable des dommages en résultant. Par ailleurs, c’est lui qui fournit, à la demande du donneur d’ordre, des sangles en nombre suffisant, en bon état, conformes aux normes requises et adaptées à la nature et au conditionnement de la marchandise, telle qu’elle lui a été décrite.
Le transporteur vérifie que le chargement, le calage et l’arrimage ne compromettent pas la sécurité de la circulation. Dans le cas contraire, il doit demander que ces opérations – ou celle qui serait défectueuse – soient reprises dans des conditions satisfaisantes. S’il n’est pas entendu, il doit refuser la prise en charge de la marchandise.
Avant le départ du véhicule, il doit procéder à la reconnaissance extérieure du chargement, du point de vue de la conservation de la marchandise. En cas de défectuosité apparente, de nature à porter atteinte à cette conservation, le transporteur va formuler des réserves précises et motivées inscrites sur le document de transport. Si celles-ci ne sont pas acceptées par le commanditaire, il peut refuser le transport.
En cas de perte ou d’avarie de la marchandise pendant le transport, il va pouvoir exonérer sa responsabilité s’il établit que le dommage provient d’une défectuosité non apparente du chargement, du calage et de l’arrimage ou d’une défectuosité apparente pour laquelle il avait émis des réserves visées par le chargeur.
En cas de chargement de plusieurs envois dans un même véhicule, il doit s’assurer que tout nouveau chargement ne porte pas atteinte aux marchandises déjà chargées. De la même manière, en cas de perte ou d’avarie de la marchandise intervenue dans le cadre du chargement, il exonérera sa responsabilité s’il prouve que le dommage a été provoqué par les opérations de chargement effectuées par l’expéditeur ou qu’il a été empêché de procéder aux vérifications d’usage précitées en raison de contraintes imposées sur le site par l’expéditeur.
Enfin, toute manutention de l’envoi en dehors des lieux définis ci-dessus est réputée exécutée pour le compte de l’expéditeur ou du destinataire. Elle est donc sous leur responsabilité.
♦ Pour les envois égaux ou supérieurs à 3 t, le chargement, le calage et l’arrimage de la marchandise sont exécutés par l’expéditeur sous sa responsabilité. Le transporteur va lui fournir toutes les indications utiles en vue d’une répartition équilibrée de la marchandise propre à assurer la stabilité du véhicule et le respect de la charge maximale par essieu.
Le transporteur ou son préposé participant aux opérations de chargement, de calage, d’arrimage ou de déchargement est réputé agir pour le compte de l’expéditeur ou du destinataire et sous sa responsabilité.
Notons que si des dommages matériels interviennent au cours de ces opérations, la responsabilité pèsera sur celui qui les exécute.
Tenue impérative d’un protocole de sécurité
Lors des opérations de chargement et de déchargement effectuées par une entreprise extérieure, ce protocole de sécurité se substitue au plan de prévention.
C’est l’arrêté du 26 avril 1996, portant adaptation de certaines règles de sécurité applicables aux opérations de chargement et de déchargement, qui a créé le protocole de sécurité. Il s’agit d’un document écrit incontournable dans la prévention des risques dans l’entreprise où sont effectuées de telles opérations, dès lors que nous sommes en présence d’une entreprise d’accueil et d’une entreprise extérieure effectuant le transport de marchandises.
S’en dispenser aujourd’hui peut avoir des conséquences très lourdes, tant pour la sécurité des personnels concernés que pour les employeurs récalcitrants (voir encadré ci-dessous).
Le transporteur doit se conformer au protocole de sécurité applicable sur le site de chargement et/ou de déchargement où il intervient et y respecter les règles de sécurité en vigueur.
Le protocole, un outil au contenu réglementé Le protocole de sécurité comprend les informations utiles à l’évaluation des risques de toute nature générés par l’opération ainsi que les mesures de prévention et de sécurité à observer à chacune des phases de sa réalisation.
Son contenu varie suivant la qualité de celui qui va le remplir, étant entendu que chaque entreprise concernée par l’opération rédigera son propre protocole de sécurité.
S’il s’agit de l’entreprise d’accueil, il comprend, notamment, les informations suivantes :
- les consignes de sécurité, particulièrement celles qui concernent l’opération de chargement ou de déchargement ;
- le lieu de livraison ou de prise en charge, les modalités d’accès et de stationnement aux postes de chargement ou de déchargement, accompagnées d’un plan et des consignes de circulation ;
- les matériels et engins spécifiques utilisés pour le chargement ou le déchargement ;
- les moyens de secours en cas d’accident ou d’incident ;
- l’identité du responsable désigné par l’entreprise d’accueil, auquel l’employeur délègue, le cas échéant, ses attributions.
S’il s’agit du transporteur, il doit notamment décrire :
- les caractéristiques du véhicule, son aménagement et ses équipements ;
- la nature et le conditionnement de la marchandise ;
- les précautions ou sujétions particulières résultant de la nature des substances ou produits transportés, notamment celles imposées par la réglementation relative au transport de matières dangereuses.
Le protocole de sécurité est établi dans le cadre d’un échange entre les employeurs intéressés, préalablement à la réalisation de l’opération. Chacune des opérations, dès lors qu’elle ne revêt pas un caractère répétitif, donne lieu à un protocole de sécurité spécifique. On entend par caractère répétitif les opérations qui portent sur des produits ou substances de même nature et sont accomplies sur les mêmes emplacements, selon le même mode opératoire, et mettent en œuvre les mêmes types de véhicules et de matériels de manutention.
Quand les opérations de chargement ou de déchargement impliquent les mêmes entreprises et revêtent un caractère répétitif, elles font l’objet d’un seul protocole de sécurité établi préalablement à la première opération. Il reste alors applicable aussi longtemps que les employeurs intéressés considèrent que les conditions de déroulement des opérations n’ont subi aucune modification significative dans un de leurs éléments constitutifs.
Quand le prestataire ne peut pas être identifié préalablement par l’entreprise d’accueil ou lorsque l’échange préalable n’a pas permis de réunir toutes les informations nécessaires, l’employeur de l’entreprise d’accueil fournit et recherche par tout moyen approprié les éléments qui se rapportent au protocole de sécurité.
Manquements sanctionnés
Les chefs d’établissement des entreprises d’accueil et de transport tiennent un exemplaire de chaque protocole de sécurité, daté et signé, à la disposition des comités sociaux et économiques (2) des entreprises intéressées et de l’inspection du travail.
Le Code du travail sanctionne d’une amende pouvant atteindre 10 000 € le fait pour l’employeur ou son délégataire de méconnaître par sa faute personnelle les dispositions relatives au protocole de sécurité. Ce montant est porté à 30 000 € et assorti d’une peine d’emprisonnement pouvant atteindre un an en cas de récidive. Cette amende est appliquée autant de fois qu’il y a de salariés de l’entreprise concernés par la (ou les) infraction(s).
En cas d’accident, l’employeur verra de surcroît ses cotisations « accidents du travail » majorées à proportion de sa gravité et plus encore si une faute inexcusable est reconnue contre lui (voir encadré p.18). Des poursuites peuvent également être engagées pour homicide involontaire ou mise en danger de la vie d’autrui. S’il survient un accident dû à un risque non répertorié par l’employeur ou l’entreprise extérieure, la responsabilité pénale des employeurs des deux structures pourra, en fonction des circonstances, être retenue.
Hervé Brizay
(1) Dit également transport pour compte d’autrui.
(2) Les CSE remplacent progressivement, depuis le 1er janvier 2018, les représentants élus du personnel dans l’entreprise. La période de transition s’achèvera le 31 décembre 2019.
Retrouvez cet article dans le numéro 427 de la revue d’information et d’analyse de la réglementation routière : «La Prévention Routière dans l’Entreprise »