“85 % des dirigeants d’entreprises affirment être préoccupés par les questions de toxicomanies et leurs impacts au travail.”
« Consommer de l’alcool ou de la drogue n’est pas une affaire strictement privée, si bien que les employeurs n’ont pas seulement le droit mais l’obligation de prévenir les addictions de leurs salariés ».
Une récente brochure Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Midelca) recommande aux entreprises de mettre en place des actions de prévention collective des addictions plutôt que de recourir au seul règlement intérieur.
Même si les statistiques montrent que l’emploi constitue un facteur protecteur par rapport aux addictions, le milieu de travail est loin d’être épargné par la consommation de substances psychoactives : tabac, alcool, cannabis, médicaments psychotropes…
C’est ce que rappelle une récente brochure éditée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Midelca).
Addictions et conditions de travail
Son premier objectif ? Briser le tabou dont font encore l’objet les conduites addictives au travail.
Quelques chiffres permettent de cerner l’enjeu : parmi les actifs, “18,6 % ont eu un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante dans le mois, 9,5 % ont des ivresses répétées, 28 % fument quotidiennement et 9,6 % ont consommé du cannabis dans l’année”.
Autre réalité trop souvent ignorée : le lien avéré entre consommation de substances psychoactives et conditions de travail. En effet, “un tiers des fumeurs réguliers, 9 % des consommateurs d’alcool et 13 % des consommateurs de cannabis affirment avoir augmenté leurs consommations à cause de problèmes liés à leurs situations professionnelles au cours des 12 derniers mois”. Pour les addictologues, “l’environnement de travail peut protéger ou au contraire fragiliser, face au risque d’addiction”, si bien que les entreprises et les administrations sont, par nature, des acteurs de premier plan de la prévention des addictions.
Plusieurs facteurs de risques liés au travail ont été identifiés par les experts. Sans surprise, ils pointent d’abord les risques psychosociaux, les conditions de travail pénibles et le stress qui “favorisent la consommation de substances psychoactives, pour ‘tenir’ physiquement et psychiquement”.
Sur le plan managérial, ils désignent aussi la recherche excessive de performance et le climat de compétition entre salariés qui peuvent pousser certains d’entre eux à se “doper” pour“rester dans le coup”.Mais d’autres paramètres jouent également un rôle comme “l’accessibilité des substances”, touchant par exemple les professions médicales, ou encore la “culture d’entreprise” : pots de départ, apéros entre collègues, afterworks, etc.
Aller au-delà du seul règlement intérieur
Les employeurs sont conscients de l’enjeu. Lors d’une enquête réalisée par l’institut BVA pour la Midelca, 85 % des dirigeants d’entreprises affirmaient être “préoccupés par les questions de toxicomanies et leurs impacts au travail”. En revanche, trop souvent la méthode leur manque pour lancer de véritables actions de prévention. Formateur en évaluation des risques professionnels et gérant de Point Org Sécurité, Emmanuel Pochet confirme : “Très fréquemment, les questions d’addiction sont traitées via le seul règlement intérieur, ce qui est bien sûr nécessaire mais ne relève nullement d’une véritable prévention.”
Les experts de la Midelca plaident également pour une démarche collective et globale “destinée à agir, en amont sur les facteurs de risques liés au travail” : analyse des conditions et de l’organisation du travail, formation de l’encadrement et des représentants du personnel, sensibilisation de tous les salariés, etc. Cette approche ambitieuse repose sur la conviction qu’à l’instar de la plupart des risques professionnels, les conduites addictives sont à la fois la cause et la conséquence de dysfonctionnements qui menacent aussi bien la santé des travailleurs que celle de l’entreprise.
Pour aller plus loin : La brochure“ Addictions en milieu professionnel : employeurs, employés, tous concernés” est librement téléchargeable sur www.drogues.gouv.fr.
L’obligation de prévention des employeurs
Consommer de l’alcool ou de la drogue n’est pas une affaire strictement privée, si bien que les employeurs n’ont pas seulement le droit mais l’obligation de prévenir les addictions de leurs salariés, rappelle la Midelca. “Les recherches en sciences humaines et sociales et en santé publique démontrent que les conduites addictives sont multifactorielles et augmentent significativement le risque de perte d’emploi à court et moyen termes.
La prévalence des consommations évolue notamment en fonction du travail et des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés. Les dirigeants ont la responsabilité de définir les objectifs de la politique de prévention dans leur entreprise, y compris la prévention des usages de tabac, d’alcool et de drogues, afin d’assurer la santé et la sécurité au travail de leurs salariés. Pour cela, ils doivent garantir des processus de travail adaptés.”
Extrait de la brochure Addictions en milieu professionnel : employeurs, employés, tous concernés., Midelca 2019.
Sur le même sujet : l’entreprise face à la toxicologie – Altersécurité