Entretien avec un expert : Hervé Lanouzière directeur de l’Institut national du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle
Je suis persuadé que les IPRP ont un rôle majeur à jouer dans la diffusion d’une culture de la prévention, tout particulièrement auprès des TPE-PME qui restent une terre de mission
Actuel directeur de l’Institut national du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle (INTEFP), notamment chargé d’assurer la formation des inspecteurs du travail, Hervé Lanouzière est l’un des plus fins connaisseurs du système français de santé et de sécurité au travail.
Auparavant directeur général de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), il défend une conception non punitive de la prévention des risques professionnels. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il explique que la création du document unique a permis de passer d’une logique de réparation des accidents à une logique de prévention des risques. Il souligne aussi combien la culture de la prévention est compatible avec la culture entrepreneuriale.
Pour comprendre l’importance que revêt la création du document unique, peut-être faut-il la situer dans la longue histoire de la prévention des risques ?
L’histoire de la santé et de la sécurité au travail a traversé, dans notre pays, quatre grandes périodes dont les effets se cumulent plus qu’ils ne se succèdent. La première grande époque commence, à grands traits, avec la loi de 1898 qui institue un principe de réparation qui sera confirmé lors de l’instauration de la sécurité sociale en 1946 : tout accident du travail doit donner lieu à une réparation forfaitaire et automatique, sans qu’il y ait lieu à recours de la victime. Même s’il s’agit bien sûr d’un progrès par rapport à la période précédente, dans laquelle les victimes n’étaient pas indemnisées, cette logique de réparation avait en germe ses propres limites : elle accréditait peu ou prou l’idée que les accidents du travail relevaient d’une sorte de fatalité qu’il s’agissait seulement de réparer. Ce système faisant primer la réparation sur la prévention explique, pour une large part, le retard pris par la France en matière de prévention des risques. Ainsi, le troisième Plan santé au travail (PST), adopté en 2016, déplorait encore que, dans notre pays, notre façon d’envisager la santé et la sécurité au travail soit trop marquée par une logique de réparation.
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