“Les horaires atypiques sont rarement considérés comme un risque professionnel, mais plutôt comme un facteur de pénibilité”. Ensuite, “les effets potentiels sur la santé sont différés dans le temps et pas toujours bien connus”.

“Lors des visites en entreprises, on constate que l’évolution des risques intègre peu la thématique des horaires atypiques”, remarquent Caroline Sevino et Corinne Wolhugel, contrôleurs de sécurité à la Carsat Alsace-Moselle. Comme elles l’expliquent dans un article de la dernière livraison de la revue Hygiène &  sécurité au travail consacrée au travail de nuit, cette lacune s’explique par un faisceau de facteurs (1).

Tout d’abord, “les horaires atypiques sont rarement considérés comme un risque professionnel, mais plutôt comme un facteur de pénibilité”. Ensuite, “les effets potentiels sur la santé sont différés dans le temps et pas toujours bien connus”. Enfin, “une certaine attitude fataliste” débouchant sur “un consensus salariés/employeur sur la difficulté du travail de nuit” contrebalancé par les contreparties que chacun y trouve.

Du côté patronal, le travail de nuit permet bien sûr “une meilleure rentabilisation de l’outil de production”. Mais les salariés semblent aussi y trouver leur compte : “travailler la nuit offre notamment un avantage salarial, une autonomie plus grande, une hiérarchie moins présente et du temps libre en journée”.

Pour faire évoluer les pratiques, la solution mise en avant consiste à associer les salariés aux débats sur l’aménagement du temps de travail. Mais cette façon de faire ne vient pas à bout de toutes les difficultés car “le choix des salariés prend rarement en compte les aspects de santé et de sécurité : leurs priorités sont le temps libéré (favorisant le nombre de jours consécutifs de repos) et la conciliation vie professionnelle – vie personnelle ”. Pour surmonter cet écueil, les intervenantes de la Carsat estiment qu’il faudrait “repositionner le risque lié au travail en horaires atypiques dans l’approche classique de l’évaluation des risques professionnels (EVRP)”, matérialisée par la réalisation de l’incontournable document unique.

Cette proposition est d’autant plus pertinente que “le travail de nuit a des impacts sur d’autres risques : risque routier, travail isolé…” et que “les travailleurs de nuit sont plus nombreux à déclarer que leur travail implique des facteurs de pénibilité physique et mentale”.

Toutefois, ce témoignage de terrain démontre aussi que les mesures d’amélioration des conditions de travail ne peuvent être un simple décalque de normes et de prescriptions, mais qu’elles sont, le plus souvent, le fruit de compromis entre les contraintes et les aspirations spécifiques à chaque collectif de travail.

Cette réalité est d’ailleurs de mieux en mieux intégrée par le système français de prévention des risques qui attend des entreprises qu’elles s’engagent dans la durée dans une démarche d’amélioration progressive et continue des conditions de travail. Si bien que, dans ce cadre, le rôle des intervenants en prévention des risques n’est plus seulement de rappeler aux employeurs des prescriptions légales et des normes techniques mais d’accompagner les entreprises dans la durée. C’est, en tout cas, dans cet esprit de partenariat de moyen et long terme que les intervenants de Point Org Sécurité envisagent leur métier.

(1) Hygiène & sécurité au travail, n° 270, mars 2023, librement consultable sur : www.inrs.fr/publications/hst