Hervé Lanouzière : “La culture de prévention concerne aussi bien les employeurs que les travailleurs”
Directeur de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP), notamment chargé d’assurer la formation des inspecteurs du travail, Hervé Lanouzière est l’un des plus fins connaisseurs du système français de santé et de sécurité au travail. Il a accepté de nous présenter sa vision de la culture de prévention et des évolutions résultant de la loi du 2 août 2021 “pour renforcer la prévention en santé au travail”.
Le quatrième Plan Santé au travail (PST4) a été présenté en décembre dernier. Quelles sont, selon vous, ses grandes orientations et ses éventuelles innovations, notamment en regard du précédent Plan ?
Les trois premiers PST répondaient à des objectifs spécifiques. Pour faire vite, le premier entendait remédier à des défaillances institutionnelles systémiques constatées après la crise sanitaire de l’amiante, avec par exemple l’instauration d’une agence d’expertise sanitaire (Afsset) et la création d’un département risques professionnels au sein de l’InVS, fusionnés plus tard au sein de l’Anses. Le deuxième PST était plus centré sur le développement de la prévention au sein de l’entreprise mais très centré sur une approche par les risques. Le troisième a acté un changement de paradigme à travers le passage d’une culture de réparation à une culture de prévention, notamment de prévention primaire. Le quatrième, signe de maturité naissante, s’inscrit dans la continuité du PST3, c’est-à-dire dans la poursuite du changement de paradigme, ce qui est heureux car un tel changement demande par définition de la persévérance et le maintien d’un cap constant. Il intervient concomitamment à un accord interprofessionnel et une loi qui ont placé la santé au travail au cœur de l’agenda politique.
« Aujourd’hui, on a compris qu’il était impossible de prévoir des procédures pour toutes les situations de travail présentant des risques. […] Il faut mettre les acteurs en capacité de se poser les bonnes questions avant d’agir dans toutes les situations relevant de ce que j’appelle “l’anormal prévisible”. »
On note une prégnance forte des logiques de santé publique inspirées par les concepts de l’OMS, privilégiant une approche positive de la santé. D’où le poids, de la qualité de vie au travail, de la prévention primaire, de la santé globale, qui font sortir la santé au travail du champ traditionnel des risques stricto sensu et mettent l’accent sur la culture de prévention. Il faut comprendre le développement de cette dernière, objectif premier du PST4, comme participant de la tendance à “déspécialiser” la santé au travail et faire en sorte qu’elle devienne l’affaire de tous et non plus le cercle réservé des experts de la prévention, plutôt rares dans les PME. C’est la logique de l’empowerment chère à la santé publique.
Ce PST 4 cite à un très grand nombre de reprises, le terme de « culture de prévention ». Quelle définition en donneriez-vous ? Lire la suite →