Comprendre et prévenir les risques du travail de nuit

“le travail de nuit crée une limitation de la vie sociale en raison de la discordance temporelle entre le rythme du travailleur et le rythme de l’ensemble de la société. Cela se traduit par des difficultés et des décalages dans l’organisation des temps de vie extraprofessionnels, et peut induire aussi, au sein de la famille, une limitation des temps de partage, une altération des relations et des déséquilibres dans l’organisation du foyer.

Voici quelques mois, une vaste enquête a mis en évidence que le travail de nuit avait fortement augmenté en France ces dernières décennies (1). Alors que la France comptait 3 670 000 travailleurs de nuit en 1982, elle en comptait 4 370 000 en 2015 en France. De surcroît, alors qu’en 1982, le travail de nuit habituel représentait 24 % du travail de nuit global, en 2015 sa part avait déjà presque doublé, atteignant 42 %.

Enfin, en raison de l’abandon de la législation qui, jusqu’en 2001 limitait le travail de nuit des femmes à certains secteurs, la proportion de femmes effectuant un travail de nuit habituel a augmenté de 150 % entre 1982 et 2015. Or, comme on le sait, le travail de nuit présente des risques spécifiques pour la santé qu’il convient de connaître, évaluer et bien sûr prévenir. C’est ce que permet la revue Hygiène & sécurité au travail, qui consacre son édition de mars au travail de nuit et aux moyens d’en prévenir efficacement les effets les plus néfastes pour la santé des travailleurs (2). En voici quelques points saillants.

Quels sont les risques du travail de nuit pour la santé physique ?

De nombreuses études épidémiologiques et recherches cliniques ont démontré que le travail de nuit comportait des risques pour la santé. En 2012, une étude de la Société française de médecine du travail (SFMT) et de la Haute autorité de santé (HAS) soulignait
que le travail de nuit était associé à des troubles du sommeil, entraînant une perte d’une heure de sommeil journalier en moyenne (3). Elle pointait aussi les troubles de la vigilance et le risque de somnolence entraînant une exposition accrue aux accidents du travail.
De façon plus inquiétante, la SFMT identifie également un sur-risque de cancer du sein chez les femmes et, en cas de grossesse, une augmentation des risques de fausse couche, d’accouchement prématuré et de retard de croissance intra-utérine. Ces dernières observations sont d’autant plus importantes que, ces dernières décennies, la progression du travail de nuit est particulièrement importante chez les femmes, toujours plus nombreuses à travailler dans le secteur des services.
Enfin, la même étude relève une association plus modérée du travail de nuit avec une augmentation des maladies cardiovasculaires, de l’indice de masse corporelle, de l’hypertension artérielle, des perturbations du bilan lipidique et du risque de développer un ulcère à l’estomac.

Quels sont les risques du travail de nuit pour la santé mentale ? Lire la suite

Français au travail – Halte aux idées reçues !

Lorsque l’on demande aux travailleurs ce qui les anime et a le plus de sens pour eux au travail, ils citent en premier lieu “le fait d’être en contact avec d’autres per­sonnes”, le souhait de “gagner de l’argent” et de “fournir un service de qualité”, très loin devant le fait de “participer à une cause jugée socialement juste”.

Le monde du travail n’échappe pas aux clichés. Auteurs d’une récente étude réalisée pour l’Institut Montaigne au sujet des Français au travail (1), Bertrand Martinot et Lisa Thomas-Darbois, font un résumé saisissant des lieux communs qui ont prospéré dans le sillage de la crise sanitaire : “L’image générale qui res­sort est celle d’un travailleur français fatigué, en grande souffrance, à la recherche du sens perdu de son travail, plus soucieux de s’en­gager dans des causes sociétales ou envi­ronnementales que dans son travail” si bien que “l’idée selon laquelle le travail serait au cœur du lien social et de l’épanouissement personnel serait battue en brèche dans un monde post-Covid en rupture avec le monde d’avant”.

Pas de rupture avec le “monde d’avant”

Or, les données qu’ils ont recueillies auprès d’un vaste échantillon représen­tatif constitué de quelque 5 000 actifs en emploi vont à l’encontre de ces idées re­çues. Ainsi, les auteurs cherchent en vain des traces de la fameuse “rupture avec le monde d’avant”. “Le premier constat, écrivent-ils, est qu’il n’y a pas de rupture entre l’avant et l’après-COVID dans le rap­port individuel que les actifs entretiennent avec leur travail, hormis le recours au télé­travail.” Lire la suite

Les Français au travail – Les enseignements d’une vaste enquête de l’Institut Montaigne

« Preuve que nos compatriotes ne rechignent pas à la tâche, ils sont de plus en plus nom­breux à travailler le soir ou le week-end. C’est le cas de 89 % des cadres, 91 % des employés et 61 % des ouvriers ».

La fronde actuelle sur le report de l’âge de la retraite a relancé les clichés portant sur le rapport des Français à l’égard du travail. Une récente enquête menée par l’Institut Montaigne auprès de 5 001 actifs en emploi remet en cause les idées reçues. Elle souligne en effet que les Français sont globalement satisfaits de leur travail malgré une hausse significative de leur charge de travail et de la pénibilité psychologique dans de nombreux secteurs d’activité.

 1 – Des Français globalement satisfaits de leur travail

Un premier constat s’impose : une grande majorité des travailleurs se déclarent globalement satisfaits de leur travail. Sur une échelle de 0 à 10, quelque 77 % des actifs en emploi expriment un degré de satisfaction supérieur ou égal à 6, avec une note moyenne de satisfaction très supérieure chez les chefs d’entreprise de plus de dix personnes (7,8), les artisans (7,8) et les indépendants (7,6), à celle des salariés (6,7).

Le niveau de satisfaction le plus faible concerne les professions intermédiaires de la fonction publique (6,5), les employés administratifs d’entreprise (6,5), les employés de commerce (6,4), les conducteurs d’engin et magasiniers (6,4), les ouvriers peu qualifiés de type industriels (5,9).

Un zoom sur les différents facteurs de satisfaction au travail fait apparaître que les travailleurs sont, en grande majorité, satisfaits de l’intérêt de leur poste de travail et des missions qui leur sont confiées (81 %), du degré d’autonomie dont ils disposent dans leur travail (87 %), de leur intégration dans l’équipe de travail lorsqu’ils sont salariés (88 %) et même de leur équilibre entre vie privée et vie professionnelle (79 %). Lire la suite

Faire face à l’éclatement des temps de travail

Parmi les évolutions principales de nos fa­çons de travailler, une récente étude de l’Institut Montaigne, observe “une tendance forte à l’éclatement du temps de travail”.

Essor inédit des horaires atypiques

En effet, désormais, “seuls 40 % des salariés à temps plein (et 13 % des travailleurs indépen­dants) déclarent à la fois ne travailler que du lundi au vendredi et ne jamais travailler après 20 h – que ce soit à leur domicile ou sur leur lieu de travail – ou les jours fériés.” Cette évolution est notamment due à la forte progression des horaires atypiques chez les cadres. En 2015, 73 % des cadres affirmaient travailler le soir après 20 h ou le week-end. Ils sont désormais 89 % dans ce cas. Alors qu’autre­fois, en entreprise, les horaires atypiques concernaient d’abord les travailleurs prati­quant le travail posté, désormais il touche aussi les fonctions support.

Des risques à évaluer et prévenir

Cet essor inédit des horaires atypiques, notamment provoqué par le développe­ment du télétravail, oblige les entreprises à prendre en compte leurs conséquences sur la santé des travailleurs. Les horaires atypiques présentent en effet des risques spécifiques allant de la perte d’attention aux troubles du sommeil et à différents troubles métaboliques. Pour cette raison, ces risques doivent être évalués et donner lieu à des mesures de prévention et d’information des salariés.

À cette fin, les employeurs peuvent se reporter aux conseils donnés par l’INRS : www.inrs.fr.

Mieux prévenir les risques pour la santé du travail assis

“Le travail est le vecteur principal des postures sédentaires, devant les loisirs (regarder la télé depuis le canapé…) et les transports (être assis dans le bus ou le train…). ”

On a longtemps cru qu’en favorisant l’essor du travail de bureau et même désormais le télétravail à domicile, la tertiarisation et la numérisation de l’économie auraient un effet positif sur la santé des travailleurs. C’est hélas une illusion, de nombreuses études démontrant que le travail assis peut avoir des conséquences très négatives sur la santé lorsqu’elle qu’elle est maintenue dans le temps. Voilà pourquoi, comme le souligne une récente brochure de l’INRS (ED 6494 téléchargeable sur www.inrs.fr), les employeurs sont tenus de mieux évaluer et prévenir le risque professionnel insidieux représenté par les postures sédentaires.

1) – Comment identifier une posture sédentaire à risque ?

Une posture sédentaire se caractérise par une posture assise ou allongée maintenue dans le temps et associée à une très faible dépense énergétique, inférieure ou égale à 1,5 fois celle du métabolisme de base.

Avant tout, le travail assis

Comme le précise, Kévin Desbrosses, responsable d’études, à l’INRS, “dans le cadre professionnel, il est très majoritairement question de posture assise. En effet, lorsqu’un salarié s’allonge pour réaliser une tâche, celle-ci est la plupart du temps associée à une dépense énergétique élevée comme lors de travaux de réparation automobile.” Toutefois, cette observation ne signifie pas que seuls les métiers du tertiaire soient concernés. En effet, de nombreux métiers autrefois réputés physiques, notamment dans l’industrie, se pratiquent désormais par la médiation d’écrans d’ordinateurs, de tablettes voire de smartphones. Si bien que les postures sédentaires sont de plus en plus courantes dans le domaine professionnel.

Une question de durée

“Les professionnels dont le métier impose majoritairement ces postures sédentaires y sont confrontés, en moyenne, pendant plus de 6 h par jour”, précise Laurent Kerangueven, expert d’assistance-conseil à l’INRS. Le temps passé assis est le second facteur à prendre en compte. Il faut l’évaluer selon deux critères à croiser : la durée cumulée journalière en postures sédentaires mais aussi le caractère ininterrompu des périodes passées de la sorte.

Promotion de l’activité physique : une fausse solution

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