Santé & sécurité : une indispensable approche globale

Lorsque les salariés sont simultanément exposés à des contraintes physiques et psychosociales, le risque d’accident du travail augmente significativement.

“II n’y a pas d’un côté les risques psychosociaux et de l’autre les risques physiques, mais bien un effet cocktail”, explique Régis Colin, expert de l’INRS et auteur d’une récente étude portant sur le secteur de la santé et de l’aide à la personne (1).
Le lancement de cette étude visait à élucider les raisons pour lesquelles ce secteur professionnel a connu, à rebours de la tendance générale, une hausse de la fréquence des accidents du travail. À cette fin, l’auteur a consulté les données de l’enquête “Conditions de travail” de la Dares afin d’identifier les principaux facteurs de risque présents dans ces professions et leur éventuel impact sur la sinistralité.*

Les RPS associés à un surrisque d’accident

Or, les résultats ont démontré que si la plupart des risques physiques sont naturellement associés à un surrisque d’accident du travail, c’est également le cas de certains risques psychosociaux. “Seules deux catégories – l’intensité du travail et les conflits de valeur – ne sont pas associées à un surrisque. Toutes les autres le sont”, précise Régis Colin.
Sans surprise la corrélation est encore plus importante dans les cas de “polyexposition”. Lorsque les salariés sont simultanément exposés à des contraintes physiques et psychosociales, le risque d’accident du travail augmente significativement. Comme le souligne l’auteur, “le fait d’être soumis conjointement à une forte exposition aux risques physiques et à une forte exposition aux RPS multiplie par quatre le risque de survenue d’accident du travail par rapport à une personne non exposée”.

Prévention des risques et QVT vont de concert

Pour Régis Colin, ces résultats intéressent bien au-delà du seul secteur de la santé et de l’aide à la personne. En effet, ils montrent “qu’il est important de ne pas considérer uniquement les facteurs
de risques physiques – comme c’est encore souvent le cas – pour analyser la survenue des accidents du travail, mais également de prendre en compte, de la même manière, les facteurs psychosociaux.”
De façon plus radicale, ces observations plaident aussi pour une approche globale de la santé et sécurité combinant prévention des risques, amélioration des conditions de travail et promotion de la qualité de vie au travail. Elles valident aussi notre vision du document unique conçu non comme une simple photographie statique des risques présents comme un bilan d’étape dans une démarche de progrès continu au service de l’entreprise et de ses salariés.

Emmanuel Pochet
Directeur de Point Org Sécurité

L’intérim accroît le risque d’accident du travail

De nombreuses études avaient déjà mis en évidence que les travailleurs intérimaires étaient davantage exposés au risque d’accident du travail que leurs collègues directement employés par l’entreprise.

Une récente étude de la Dares le confirme mais en apportant un élément nouveau d’importance : “quand ils côtoient des intérimaires, les salariés permanents ont également davantage d’accidents du travail”.
Plus précisément, “quand un établissement recourt à un volant d’intérimaires supérieur à 4 % de ses effectifs employés en propre, le taux d’accidents du travail de ces derniers est plus élevé”. Mais cette relation n’est pas
linéaire. En effet, “le taux d’accidents diminue au-delà du seuil de 10 % d’intérimaires, même s’il reste plus élevé qu’en l’absence d’intérimaires”.

Comment expliquer ces variations ? Les auteurs avancent “qu’il se peut que relativement à une situation où les intérimaires sont peu nombreux et occasionnels, l’emploi habituel d’une forte proportion d’intérimaires permette de réduire les incertitudes liées à la coactivité entre salariés de statuts différents” Même si cette hypothèse demande à être vérifiée par de plus amples investigations, il est fort possible que ces résultats s’expliquent par une meilleure prise en charge des travailleurs intérimaires dans les entreprises qui y recourent de façon importante et régulière, y compris sur le plan de la transmission des règles de sécurité. Toujours est-il que cette étude rappelle avec force la nécessité de porter la plus grande attention à l’accueil des publics à risque que constituent les travailleurs intérimaires, temporaires mais aussi les nouveaux embauchés.

(1) “Les salariés des entreprises sous-traitantes sont-ils davantage exposés aux accidents du travail ?”, Dares, 01/03/23, librement consultable sur www.dares.travail-emploi.gouv.fr

Le suivi des accidents de travail et leur recueil dans le DUERP

« Lorsqu’un accident du travail survient, la législation prescrit à l’employeur d’en effectuer l’analyse et de prendre des mesures permettant d’éviter qu’un accident de même nature se reproduise. Tout accident doit ainsi être consigné dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) »

Bien que la sensibilisation des dirigeants de sociétés à la nécessaire prévention des risques soit en constante progression, les accidents du travail restent aujourd’hui encore une problématique importante. (540000 accidents du travail ont été recensés, en 2020, malgré la crise sanitaire). Parmi les secteurs les plus touchés, le BTP est en tête. Lorsqu’un accident survient, le premier réflexe est de chercher un responsable et souvent, par réflexe, la faute est imputée à la victime elle-même. Or, à défaut d’une enquête plus rigoureuse, l’accident risque de se reproduire. Le bon suivi des accidents de travail est donc indispensable à la prévention des risques.

Le Code de la sécurité sociale régit la question des accidents de travail dans son Livre 4. Aux termes de l’article L.411-1 de ce code, “est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise”. Outre le Code de la sécurité sociale, le Code du travail précise à l’article R4141-8 qu’en cas d’accident du travail grave ou de maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave, l’employeur doit procéder à l’analyse des conditions de travail. Il doit aussi organiser, si nécessaire, au bénéfice des travailleurs intéressés, des formations à la sécurité. Il en est de même en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle (ou à caractère professionnel) présentant un caractère répété :

1° Soit à un même poste de travail ou à des postes de travail similaires ;
2° Soit dans une même fonction ou des fonctions similaires. Lire la suite

Accident de travail : quand le doute est permis

Lorsqu’un accident intervient sur le lieu de travail ou pendant le temps de travail, il est automatiquement présumé être d’origine professionnelle, conformément à l’article L 411-11 du Code de la sécurité sociale. En cas de doute, l’employeur doit formuler des réserves. En effet, celles-ci peuvent entraîner des répercussions sur la décision de la CPAM, comme le démontre l’affaire suivante.

Quelle que soit son opinion sur les causes de l’accident, l’employeur doit faire une déclaration auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Il a néanmoins la faculté d’assortir sa déclaration de réserves, et a tout intérêt à le faire, en cas de doute quant à l’origine professionnelle de l’accident. De cette manière, il peut contraindre la CPAM à mettre en œuvre une instruction du dossier pour vérifier que l’accident est bien imputable au travail. Encore faut-il que les réserves de l’employeur soient motivées.

La CPAM ne diligente pas d’enquête

Le 30 novembre 2016, Monsieur X, salarié d’une entreprise alsacienne spécialisée dans la fabrication de machines et équipements, ressent une vive douleur au côté gauche alors qu’il manipule une porte coulissante. L’accident ayant eu lieu sur le lieu du travail et pendant les heures de travail, l’employeur n’a pas d’autre choix que de le déclarer à la CPAM du Bas-Rhin, dont il dépend, malgré de sérieux doutes sur la matérialité des faits. Quelques jours plus tard, le 5 décembre 2016, il prend le soin d’adresser à la CPAM une lettre dans laquelle il exprime ses réserves quant au caractère professionnel de l’accident.

Rappelons toutefois que la faculté pour l’employeur de formuler des réserves en cours d’instruction et dans un délai de dix jours, lui est accordée par l’article R441-11 du Code de la sécurité sociale. Dès lors que l’employeur use de cette faculté et émet des réserves motivées sur le caractère professionnel de l’accident, la CPAM doit avant toute décision faire une enquête administrative auprès du salarié victime et de son employeur, par le biais d’un questionnaire à remplir et à renvoyer.

Etonnement, en dépit des réserves exprimées par l’employeur, la CPAM décide, dès le 14 décembre 2016 et sans diligenter des mesures d’instruction, de reconnaître le caractère professionnel de l’accident.

L’employeur saisit dès lors, tout naturellement, la juridiction sociale afin que cette décision lui soit déclarée inopposable, en l’absence d’instruction préalable. Il est pourtant débouté par la cour d’appel de Colmar le 16 janvier 2020. Celle-ci estime en effet que les réserves exprimées par l’employeur, dans sa lettre du 5 décembre 2016, n’étaient pas suffisamment motivées dispensant de fait la CPAM de procéder à une instruction préalable. Autrement dit, la CPAM est dans l’obligation de procéder à une instruction, uniquement en cas de réserves motivées. Lire la suite

Les risques humains – 1ère source de préoccupation des patrons de PME et ETI

“Parmi les PME, les risques les plus redoutés sont les accidents du travail (66 %), les arrêts maladie ou maladies professionnelles (62 %), devant les difficultés de recrutement (56 %) et la démission de collaborateurs clés (43 %).”

Interrogés par l’assureur QBE sur les principaux risques qui menacent leur entreprise, 79 % des dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) citent les “risques humains” regroupant les accidents du travail, les arrêts maladies et les maladies professionnelles, ainsi que les difficultés de recrutement ou démission de collaborateurs clés.

Parmi les PME, les risques les plus redoutés sont les accidents du travail (66 %) et les arrêts maladie ou maladies professionnelles (62 %). Contrairement à une idée reçue, ces risques liés aux conditions de travail préoccupent bien davantage les dirigeants d’entreprise que les risques matériels (55 %) ou que les risques du marché (48 %). Et cette donnée est d’autant plus significative que les patrons interrogés placent la gestion des risques en tête des “éléments stratégiques pour la compétitivité des entreprises”, juste après la stratégie commerciale.

Ces résultats vont donc à l’encontre du lieu commun selon lequel les patrons de PME considéreraient avant tout les obligations qui leur incombent en matière de santé et de sécurité comme des contraintes. Ils révèlent que pour un nombre croissant de dirigeants de PME, la prévention des risques est, au contraire, un facteur déterminant du bon fonctionnement de l’entreprise.

Les patrons expriment donc une claire volonté de faire. Reste maintenant à leur en donner les moyens. Lire la suite